Mahsa: larme sacrée, colère sacrée, violence sacrée

Avertissement

Tout d'abord, soulignons un point qui a son importance dans le contexte actuel: comme d'autres groupes en exil, nous avons par rapport à la situation iranienne, une présence qu'on pourrait, au mieux, qualifier de "secondaire" et "subordonnée". Nous ne pouvons en aucun cas prétendre être dans l'immédiateté des choses et tenir entre nos mains le pouls de la société; en d'autres termes, il faut considérer notre propos, encore plus qu'auparavant, comme purement "consultatif" et simplement notre façon de participer aux luttes en cours.

******

Rappelons nous du bon camarade Lénine qui disait qu'un instant de lutte dans une situation révolutionnaire était équivalent à des jours, des mois quant à l'expérience du peuple; ou quelque chose dans cette veine.

En Iran, il suffirait que la vague de protestations actuelles soit suivie par une vague de grève pour qu'on entre dans une telle situation.

Juste au moment où le clown enturbanné et idiot qui fait ces jours-ci office de Président de la République islamique a pris la tribune de l'ONU (le 21 septembre 2022) pour la chaire de la mosquée de son village natal, et a commencé son effronté discours mensongers et plein d'invectives avec un verset du Coran, la mère de Mahsa, la jeune femme martyre de Saghez, assise à même le sol du cimetière, à côté d'un tas de terre qui recouvrait sa bien-aimée, tenant une belle photo de sa fille sur la poitrine, enfonçait ses doigts dans la terre sanglante du Kurdistan et en versait des poignées sur sa tête pour ne pas laisser seule sa chère fille, victime de ce terrible destin.

Des milliers de personnes étaient rassemblées et l'entouraient en ce moment de douleur et de détresse, et les femmes transcendées par le chagrin et la colère, ont enlevé leur hijab et l'ont brûlé pour que plus jamais ce signe de tyrannie médiévale ne règne sur leur vie.

C'est à ce moment là que le Président, idiot du village,  affirme à la journaliste occidentale qui porte un fichu sur la tête que "les femmes iraniennes ont elles-mêmes, spontanément choisi le hijab" et que "le hijab de nos femmes fait partie de notre culture".

Lorsque cet imbécile, à la suite de son discours, parle avec obscénité de justice et prétend que "la justice elle-même est enracinée dans une rationalité portée par la révélation", sans s'en rendre compte, il proclame que "le désir d'établir la justice est un don divin dans l'existence de chacun, et une accumulation d'injustices met en mouvement les nations sous forme de révolutions populaires."

Visiblement il ne voit pas à quel point le peuple iranien est en train de démontrer la justesse de son postulat … contre lui!

Ici, on ne va pas s'attarder sur les vagues successives d'une insurrection qui aujourd'hui frappe à la porte, ni de ses 40 ans d'aléas et d'histoire ; d'autres l'ont fait, mieux et peut-être de façon plus précise que l'on pourrait le faire; mais il y a des points qu'il ne faut pas négliger dans cet élan d'enthousiasme et d'espoir; surtout si l'on veut regarder la situation, non pas du point de vue d'une sorte de "liberté" métaphysique ou simplement en se plaçant dans la perspective des libertés individuelles et démocratiques  à l'occidental, mais de l'évaluer du point de vue des travailleurs et leur sort.

Si nous le faisons, c'est aussi parce que dans l'insurrection de février 1979, nous avons expérimenté la "voix directe"  [صراط‌المستقیم terme coranique] de "l'unité de la parole" [principal slogan de Khomeiny qui a entraîné les foules contre le Shah] dans notre chair et notre sang

et surtout nous voyons à quelle sinistre combinaison tout ceci  a abouti.

Dans de telles situations, il faut se méfier des prêts-à-penser évidents et essayer de réfléchir à contre-courant.

La République islamique n'est pas un gouvernement conventionnel comme un autre, qui soit arrivé au pouvoir, par exemple, à travers une consultation générale ou même par un coup d'État ou une révolution classique ; dans de telles situations, la question de la nature de l'Etat et du pouvoir en place apparaîtrait de façon plus simple et plus lisible; nous aurions par exemple un gouvernement, comme à l'époque du Shah, qui est arrivé au pouvoir par un coup d'État et en s'adossant à une répression sanglante; personne, sauf ceux de sa clique et sa dépendance n'aurait de doute quant à sa nature. Il répondait clairement aux intérêts de sa classe et des firmes américaines et voulait assurer le rôle du gendarme des USA dans le Golfe Persique. Ça serait un gouvernement fantoche qui se maintien au pouvoir grâce à l'armée, sa police politique (la SAVAK), ses conseillers militaires étrangers et ses experts en sécurité; il serait fondamentalement là pour répondre aux exigences structurelles et fonctionnelles du développement du capital international dans un pays dominé à un moment donné de son évolution.

Ou nous serions face à un État issu des révolutions bourgeoises du XIXe siècle, où la classe montante a pu écarter les anciennes classes au pouvoir - les grands propriétaires terriens, les seigneurs féodaux - et créer un État répondant aux besoins de l'instauration et du développement du capitalisme.

Dans de telles situations, nous serions confrontés à des séparations de classe claires et idéologiquement conformes à ces tracés de classe, dans lesquelles il serait aisé de distinguer la ligne de démarcation entre la révolution et la contre-révolution.

Mais ici, dans la situation présente de l'Iran, nous avons affaire à un État non-conventionnel qui a fondé essentiellement son pouvoir, compte tenu de la façon dont celui-ci s'est constitué, dans sa genèse et son développement, non pas sur des politiques de classe évidentes et claires, mais sur une idéologie qui a apparemment répondu aux besoins de la société à un certain stade de la lutte de classes; ce qui le rend  particulièrement difficile à appréhender.

Le gouvernement de la République islamique et son appareil idéologique, et surtout la culture qui en a émergé avec sa stabilisation, ne répondait pas à un programme préétabli du clergé ou de la bourgeoisie dite "libérale", mais lorsque la lutte des classes et la crise révolutionnaire ont culminé avec l'insurrection de février 1979 et que diverses forces sociales se sont mises m en mouvement pour renverser le régime détesté du Shah, on pouvait distinguer  essentiellement trois courants politiques considérés comme représentants des catégories, couches et classes sociales qui se sont affrontées pour prendre la direction du mouvement populaire.

Premièrement, la bourgeoisie dite "libérale", qui se trouvai en opposition avec le monopole du grand capital dite "compradore", qui était entre les mains du Shah, de sa cour, sa famille et ses fidèles. Elle se trouvait dans une position conflictuelle avec la grande bourgeoisie car en même temps qu'elle était dépendante de l'existence de ce capital, de ses infrastructures et ses circuits, elle était en opposition avec son monopole et sa mainmise exclusive sur la quasi-totalité de l'appareil productif. Son slogan, tout naturellement se résumait à combattre "la dictature du Shah".

Pour elle, cette dictature signifiait en fait la dictature économique du grand capital qui ne permettait pas aux capitaux "domestiques" d'obtenir des conditions de croissance et de rentabilité satisfaisante. Cette bourgeoisie "nationale" n'a jamais eu l'intention de renverser le régime du Shah par la violence, mais a seulement exigé un léger recul par rapport aux positions économiques du capital monopoliste dominant. Ce courant politique ne pouvait prétendre à produire aucun programme spécifique à partir de ce qu'il était car toute croissance d'un capitalisme "national" ou de développement auto-centré était devenu impossible et caduque dans les conditions de la subsomption réelle au niveau international après la seconde guerre mondiale. Cette impossibilité faisait d'elle ce qu'elle était, c'est-à-dire effrayée par la révolution et les travailleurs en lutte; et bien sûr leurs représentants politiques en étaient bien conscients.

Le deuxième courant était mené par Khomeiny, le clergé Chiite et les grands commerçants du bazar. Khomeiny, depuis le soulèvement de 1963 (soulèvement du clergé traditionnel, des milieux du bazar et les grands propriétaires terriens qui, mené par Khomeyni et dirigé contre le Shah protestait contre les mesures de réformes agraires et des dispositions légales notamment en faveur du droit de vote des femmes … déjà !! ) était exilé à Najaf, ville Chiite en Irak; ce courant sera considéré plus tard, surtout après l'occupation de l'ambassade des États-Unis en Novembre 1979, comme "la ligne de l'Imam". À partir de cette date, la direction du clergé, Khomeiny et les autres ayatollahs qui l'entouraient ont intégré cet événement et ont dû renforcer encore plus leur tendance anti-impérialiste de départ pour se conformer aux exigences populaires.

Ce courant religieux du clergé représentait le bazar et bien sûr eux-mêmes (qui, en tant que couche sociale, avaient traditionnellement un rôle économique important du fait de leurs propriétés foncières, les biens de mainmorte (vaghf), les donations, les impôts religieux ainsi que des intérêts commerciaux communs avec les commerçants). Les deux couches sociales étaient par ailleurs depuis toujours liées par des mariages et des liens de parenté.

On peut à grands traits définir ce courant comme  la petite bourgeoisie traditionnelle aisée qui se trouvait en contradiction avec l'instauration et l'accélération des rapports de production capitalistes initiés et impulsés par la réforme agraire et surtout par ses expressions et aspects culturels, qui étaient considérés comme une sorte de modernisation hâtive et “à l’occidentale” minant et détruisant leur idéologie ancestrale qui au moins depuis plus de trois siècles cimentaient les rapports de propriété traditionnelle.

Depuis cette époque, nous avons été témoins des positions réactionnaires du clergé, de la culture islamiques en général, par rapport aux droits des femme; ces positions étant incompatibles avec la culture occidentale défendue par le régime du Shah, qui lui de son côté ne répondait qu'aux besoins du capital international; la politique des années 1950 et 1960 en Iran, suite à la “révolution blanche” de 1962 n'avait d'autre contenu que la destruction des rapports traditionnels, les structures qui les faisaient fonctionner et en même temps  l’instauration et l'extension des rapports de production capitaliste.

À ce niveau, elle voulait que les femmes soient des sujets "libres" des restrictions traditionnelles (pour pouvoir travailler dans les bureaux et les usines) tout comme les serfs et les paysans pauvres qui perdant leur terre étaient obligés de se rendre dans les grandes villes pour trouver du travail dans les usines importées des industries de montage ou au sein des sociétés agro-industrielles; ces deux forces de travail "libérées" leur fournissant une main-d'œuvre bon marché.

Le troisième courant était le courant populaire, démocratique et laïque, composé de travailleurs urbains et ruraux et d'organisations aux idées de gauche ou communistes (essentiellement des marxiste-léninistes) qui se considéraient comme appartenant à la classe ouvrière et qui tentaient d'adopter une ligne indépendante de défense des luttes immédiates des masses populaires et contre l’hégémonie des deux autres courants; ils militaient pour une République démocratique populaire.

L'existence de cette troisième ligne démocratique et radicale avant l'insurrection de 1979,  le rôle qu'elle a joué dans le processus de l'insurrection elle-même, et surtout  l'énorme développement des organes populaires de masses, exprimant  l'auto-organisation spontanée du peuple, (comités révolutionnaires, conseils locaux, conseils dans les administrations et les usines) et la présence et l’activité des organisations marxistes, avaient tellement effrayé les deux autres courants qu'elle se sont trouvées obligés de former une alliance, et surtout d’entamer les négociations avec les généraux et les agents secrets US et d'autres gouvernements européens. Ces négociations sont aujourd'hui largement documentées: la situation iranienne était le contenu central discuté à la Conférence de la Guadeloupe entre les Etats-Unis, la France, les Allemands et les Britanniques en janvier 1979.

L'armée qui de son côté se préparait à lancer son coup de force pour sauver à nouveau le royaume des Pahlavi, a vu le véto des USA qui entre-temps avait obtenu les garanties nécessaires de la bourgeoisie libérale et du clergé, et qui a préféré avoir les religieux au pouvoir que de risquer d'affronter la gauche et les communistes à la tête d'une insurrection armée.

C'est ainsi que d'un seul coup, au milieu de manifestations monstres qui avaient lieu dans les grandes villes, l'armée qui jusque-là ne faisait que réprimer et tirer sur les gens, a été soudain considérée comme "le frère du peuple" et de la révolution et les manifestants sortis de nulle part mettaient des fleurs au bout de leur fusil. Khomeiny rentre en Iran et la galère commence.

Le clergé en s'appuyant sur son large système d'organisation (petits et grands clercs, étudiants des écoles coraniques, les mosquées et les lieux de culte…) a réussi progressivement à imposer ses slogans spécifiques et immédiatement après la prise du pouvoir, a appelé à la collecte des armes que les courants révolutionnaires et les peuples (arabe,kurde, turkmène …) ainsi que la gauche et les communistes avaient pu récupérer en prenant le contrôle des casernes pendant les journées de combat de février 79 et lors du renversement du régime du Shah.

Au moment de son accession au pouvoir, ce clergé n'avait pas de plan précis si ce n'est de limiter le mouvement, d'empêcher la croissance de la vague révolutionnaire et d'essayer de la contenir.

Il voulait à tout prix remettre en fonction les rouages économiques : rétablir les échanges et sauver les contrats en cours, remettre de l'ordre dans les administrations, les villes, les quartiers, les bureaux et les usines... et surtout, ce qui lui semblait vital, mettre fin aux grèves qui paralysaient la production du pétrole et redémarrer son exportation.

Le clergé ne pouvait s'emparer du pouvoir politique et faire fonctionner la société sans produire, parallèlement à la progression de la vague révolutionnaire, son propre discours révolutionnaire. C’est ainsi que face et en contraste au discours laïc, populaire et communiste qui attirait de plus en plus les masses, il a créé tout un langage qui accaparait le potentiel révolutionnaire du discours de gauche et ses limites historiques - limites qui ne pouvaient être reconnues que plus tard, c'est-à-dire être pris au piège de la logique du capital, le maintien des usines et des emplois ouvriers, la division internationale du travail... l’effondrement de tout horizon socialiste... en un mot, la sortie des rapports de production capitalistes - et l’a intégrée dans les potentialités de la culture chiite. Il ne faut pas oublier que le chiisme a contrario du sunnisme est très performant sur le plan idéologique et peut répondre grâce à une structure d'autorité flexible, la notion d'ijtihad, à n’importe quelle situation sociale. Pour les chiites après l'occultation du douzième Imam c'est le mojtahed qui interprète la loi et représente la communauté; cette particularité permet à l'islam chiite de se greffer sur les besoins conjoncturels de la société et de jouer le moment venu, le rôle d'une alternative politique.

L'enjeu social et politique le plus important du mouvement islamique était que d'une part, il devait prendre en charge les nécessités de gestion de la reproduction de la société et, par conséquent, se conformer à l'articulation internationale de la région et au rôle qui lui était confié dans la division internationale du travail, et d'autre part, se montrer comme l'expression et l'organisateur des masses laborieuses qui se sont soulevées pour lutter contre cet ordre.

Mais tout cela ne constituait en aucun cas un programme pour aucun des prétendants au pouvoir, précisément parce qu'aucune des couches et classes qui participaient à ce mouvement n'était en mesure d'organiser un développement socio-économique capitaliste spécifique.

Dans cette situation de double impossibilité, c'étaient les religieux qui se trouvaient dans une situation où ils pouvaient mieux prendre en charge les contradictions provoquées par l'intégration de l'Iran dans le cycle international du capital, précisément parce qu'ils étaient, en tant que force sociale, la résultante de contradictions qui en même temps montraient les limites de la lutte des travailleurs ainsi que l'impossibilité d'un programme national pour la bourgeoisie.

Ils se sont retrouvés dans une position où ils devaient reconnaître pas à pas leurs propres intérêts en tant qu’Etat - un Etat dont par un jeu dialectique d’intégration et d’exclusion, ses membres et ses courants évoluaient à chaque instant - et les faire avancer dans la lutte politique.

C'est ainsi que le discours de l'islam politique, utilisé depuis longtemps au Moyen-Orient, a trouvé des caractéristiques et des accents irano-chiites particuliers et des concepts tels que "Ummat islamique", "Mostaz’afin" (les affaiblis), "Justice islamique", "Société Monothéiste sans classe”, "les Martyrs de l’islam", le "Achoura de Hossein", etc. ont vêtu des habits très politiques, matériels et fonctionnels afin de stabiliser la République islamique.

Petit à petit, la République Islamique fonde ses institutions et ses instances dirigeantes sur ce discours populaire et populiste. Dès le lendemain de l’insurrection, elle crée ses organes de répression et de souveraineté et réprime progressivement toutes les couches et classes qui avaient participé à la révolution et qui ne rentraient pas dans la moule. Il n'a fallu que deux semaines pour que les femmes, conscientes du danger dont cette force réactionnaire était porteuse, entrent en opposition à celle-ci et manifestent dans les rues de Téhéran leur refus du Hijab islamique tandis que la gauche en général y est restée plus ou moins indifférente et de ce fait porte pour toujours la marque indélébile de la honte de son inconscience; la gauche n'a pas compris à ce moment historique l'importance du hijab dans la structure qui se mettait en place. Elle était incapable de comprendre qu'il ne s'agissait pas seulement d'un voile comme accessoire féminin anodin, mais du symbole le plus évident qui lie les femmes et leurs familles à la République islamique et à la culture que porte ce pouvoir politique. Ce hijab signifie la soumission au pouvoir qui s’établit et  s'impose à toute la société; il signifie l'acceptation de toutes les lois juridiques et les rapports de propriété que ce pouvoir politique met en œuvre et qui, une fois développés s'imposent comme un rapport de production. Ce hijab est la manifestation la plus évidente qui permet de reconnaître les “siens” des “autres”.

Après quelques années de hauts et des bas de la lutte des classes, durant lesquelles des milliers de révolutionnaires, démocrates et communistes ont péri; ainsi que des hommes et des femmes, appartenant aux minorités nationales et ethniques qui avaient fait flotter héroïquement le drapeau de la lutte dans toutes les régions du pays, ce gouvernement populiste, pour se débarrasser définitivement de ces protestations, a transformé des escarmouches militaires quotidiennes sur la frontière irakienne en guerre totale afin de briser les vagues de la révolution par une autre, de patriotisme et d'unité nationale.

Le résultat le plus important de cette guerre sanglante qui a duré huit ans, outre le sacrifice de centaines de milliers de travailleurs irakiens et iraniens, a été la stabilisation d'un système idéologique, organisé autour de la notion de Velayat du Faghih (la tutelle du théologien-juriste) et imprégné dans une culture politique basée sur l'autorité religieuse et politique du Guide suprême et s'appuyant sur sa force répressive spécifique (l’armée des Pasdarans de la Révolution et le Bassij).

Trente ans de lutte de classes avec ses flambées et ses rébellions ont fait que la République islamique et son Umma sont  de plus en plus recroquevillés et fermés sur eux-même. Le dernier gouvernement (celui de Raïssi, boureau des prisons en 1987) se veut uniforme et exige une cohérence stricte autour de l'islam et tout y passe, des écoles et universités jusqu'à la médecine, l'économie et la banque et même le sport; les femmes iraniennes sont privés de stade et dans quasiment toutes les sports au niveau international les champions iraniens doivent refuser - bien entendu sous motif d'impréparation ou de blessure - de rencontrer les champions israéliens; d'où le nombre important de champions iraniens qui se sont sauvés du pays et participent au compétitions internationales sous d'autres drapeaux.

Tout doit être islamisé; et la façon la plus visible de témoigner son appartenance et sa soumission est le port du voile avec lequel la République Islamique s'est recouverte.

L'hypertrophie de l'Etat en Iran, le fait qu'il s'appuie exclusivement sur l'idéologie et la violence (Clergé + les écoles coraniques et les Pasdars, les Bassidjis et les forces militaires et de sécurité), le contrôle quasi exclusif qu'il a sur la vie économique grâce aux revenus pétroliers et à travers les entreprises étatiques, les fondations (Bonyad) religieuses et toutes sortes d’institutions commerciales autorisées sous des motifs fallacieux islamiques …en fait une force productive totale. C'est une affaire politique qui s’est directement plongée dans la vie économique et l’organise de part en part à sa façon et selon ses critères. Bien entendu tous les États ont un certain poids économique et des activités productives; il existe des entreprises où les Etats se constituent comme actionnaire majoritaire ou même des industries sous propriété étatique, mais la République islamique elle-même est devenue un rapport de production en raison de la façon dont elle s'est formée et a évolué ; elle est le point de départ et le point d'arrivée ; il détermine la propriété du capital et choisit la voie de sa croissance ; de A à Z. Mais elle n'est pas très performante dans cette tâche car c'est un État basé sur la rente pétrolière, ce qui rend cette existence plus difficile et improductive. Les gouvernements rentiers ne stimulent et n'encouragent pas l'activité économique, mais ils l'empoisonnent. Aucune loi "normale" de l'économie capitaliste ne fonctionne correctement sous les contraintes de l'économie rentière.

Les caractéristiques générales de l'économie rentière a atteint la soutane de ces messieurs et aucune prière ou incantation ne leur permet de s'en débarrasser.

Pour la République Islamique, le profit est fourni à l'avance sous forme de revenu, qui à son tour est simplement redistribué et joue un rôle très faible dans le cycle de la production ; les projets économiques ne sont que des prétextes pour allouer des capitaux et leur utilité ou leurs résultats économiques ne sont aucunement pris en compte ; la production de plus-value est quelque chose de tout à fait secondaire car déjà attribuée au moment de l'allocation du capital ; ils construisent d'énormes barrages, très souvent par des contractants privés des Pasdarans, puis constatent qu'il n'y avait pas de source d'eau suffisante; ou que le barrage en question entraîne des dommages irréparables à l'environnement! Peu importe! Un budget leur est accordé à partir des revenus pétroliers pour le détruire ; sans aucune étude ni enquête, ils construisent d'énormes conduites d'eau pour amener l'eau d'une région à une autre, où les grands propriétaires sont censés leur payer des rétributions soit en argent, soit sous forme d'achat de votes ; la motivation des décisions prises en lien avec la coopération et le développement est tout sauf la satisfaction des besoins de la société ; toutes les allocations budgétaires des différentes régions sont basées sur les intérêts politiques locaux ou nationaux du système ; le salaire des ouvriers et leur pouvoir d'achat ne jouent qu'un part minim dans la réalisation des produits, et pour cette raison, il est tout à fait déconnecté de l'accumulation ; pour le patron iranien c'est une dépense inutile qui doit être le moins possible, payée le plus tard possible ou, si possible, pas payée du tout ; toute importation vaut mieux que la production sur place car cela exige une technologie étrangère, une expertise étrangère et des pièces de rechange étrangères, ce qui rend le produit non compétitif... et mille autres caractéristiques.

La République islamique en raison de ces caractères basiques, c'est-à-dire son populisme inhérent qui l'a fait immergée dans la société et ses prétentions à englober la nation tout entière se trouve face à une sorte d'"incompatibilité" avec le capital international; les contradictions de ses fractions internes sont l'expression de cette incompatibilité. L'immense fragilité économique du pays dans le cadre de ces rapports fermées empêche le développement des relations capitalistes avec l'Occident et l'oblige à s'appuyer sur les puissances «orientales». Les efforts du Président, ces derniers temps pour activer les relations commerciales et de productives avec la Chine, la Russie et l'Inde, la signature de contrats secrets inégaux qui sont censés courir sur plusieurs décennies et ses supplications pour devenir membre du Pacte de Shanghai n'ont d'autre but que maintenir d'une manière ou d'une autre sa relation avec les infrastructures capitalistes mondiales.

Bien sûr, à la base de tout cela, on retrouve les limites auxquelles toute forme d'économie rentière est exposées. Mais en Iran, il y a un autre problème omniprésent qui découle de la nature de la République islamique. C'est une formation politique qui est elle-même devenue un rapport de production. En Iran, la République islamique n'est pas le représentant politique ou l'expression du rapport de production capitaliste, mais plutôt le rapport de production capitaliste lui-même. Il n'est pas comme les autres Etats conventionnels dans lesquels les représentants politiques représentent les rapports de production et, par conséquent se trouverait au-dessus des classes et séparé de la société. La République islamique est un État non-séparé[1] qui n'accepte pas l'existence des classes et ne reflète donc pas leurs revendications et leurs luttes. Dans cette situation, son discours politique se veut inclusif et uniforme, recouvert d'un voile islamique.

Un État idéologique et non-séparé signifie que chaque effort et activité, dans n'importe quel domaine, culturel, civil, social ou économique, doit être connecté et lié au système, prendre sa place au sein de l'ordre social créé par cet État, y être reconnu, payer ses impôts religieux aux responsables de la charia et des hommes du pouvoir. Ici, nous n'avons pas affaire à des personnes libres qui sont liées les unes aux autres par leurs activités sociales ou économiques, mais elles seront autorisées à exercer telle ou telle activité sociale ou économique par et à cause de leur relation avec le pouvoir ; qu'il s'agisse d'une petite entreprise, d'une commerce ou d'un artisan.

Dans une telle société, il n'y a naturellement pas de classe capitaliste libre qui puisse faire aboutir un projet, contracter un emprunt auprès d'une banque sans l'approbation et l'autorisation de l'autorité légitime ou trouver un marché pour ses produits sans la présence et le soutien des Pasdarans. Il n'a aucune chance de se développer à moins qu'il ne fusionne d'une manière ou d'une autre avec la pieuvre que constitue le Velayat-é-Faqih.

Mais cette immersion dans la société n'empêche pas la lutte des classes et les revendications des couches différentes de la société, y compris la bourgeoisie, de la traverser. Cet état de fait est bien sûr dû au contrôle presque total de l'Etat sur l'économie, mais pas uniquement; en Iran, puisque le gouvernement est une forme politique qui s'est transformée en rapport de production, nous sommes face à une incohérence structurelle car, comme déjà décrit, la croissance socio-économique est contrecarrée à chaque pas par ces rapports obstrués ; Cette enveloppe s'avère de plus en plus incapable de les contenir.

Au cours des trente dernières années, cette croissance lente et souterraine a créé une société civile que la dictature du Shah et son militarisme débridé avaient empêchée. Des associations, organisations et syndicats, des maisons de métiers, des foyers... se sont créés et ont imposé leur existence à la République islamique. Il y a aussi une nouvelle génération constituée de descendants de responsables religieux ou militaires et de notables… dont leur père ont su privatiser par diverses ruses et procédés les propriétés collectives et étatiques en leur bénéfice (mainmise sur les ressources de l'Etat, confiscation directe des biens de la famille royale et des personnes aisées fuyant le pays, création de fondations et d'institutions sous prétexte d'intérêts publics et religieux, privatisations par "la vente aux proches et aux relatifs", vols et détournements de fonds, tous sortes de dépenses et de commissions sous prétexte de contourner les sanctions, des myriades de structures dépendant du pouvoir ...). Une partie de la propriété étatique est ainsi transformée en propriété privée qui a besoin de fonctionner comme du capital libre. Progressivement ceci provoque la séparation d'une couche de la classe dominante du corps de la République islamique et exige la liberté d'entreprendre et des relations avec l'Occident… Pour ce genre de rapport, il est nécessaire d'établir un État conventionnel au-dessus des classes. C'est un mode de développement pour qui l'intégration au processus de mondialisation du capital devient une nécessité fondamentale. (En plus, cela se produit dans une situation où le capitalisme mondialisé lui-même se trouve dans une crise grave et est à la recherche d'un  nouvel ordre mondial).

Là encore, la République Islamique est en prise avec une crise évidente à cause des sanctions. Jusqu'à aujourd'hui,  l'Etat était capable d'attirer des pans de la société comme le clergé et les fonctionnaires grâce à la redistribution de la rente pétrolière et d'extraire ses forces de répression des classes populaires, mais aujourd'hui la situation est telle qu'il ne peut même pas satisfaire ses propres troupes.

C'est dans cette situation que quelque chose se produit qui contrairement aux protestations revendicatives ou civiles du passé devient globale.

Mahsa est tuée. Ce meurtre cruel est perpétré sous prétexte d'un défaut de hijab règlementaire par une police spécifiquement constituée pour le faire respecter. Le problème dans ce cas précis c'est que ce gourdin de répression est frappé à la nuque de quelqu'un qui a suivi les règles du hijab obligatoire d'une manière courante chez la plupart des femmes et il n'y a vraiment aucune raison pour une telle peine. Les gens sont à juste titre en mesure de se demander, mais pourquoi ? Bon sang, mais que faudrait-il faire pour éviter la brutalité et la bestialité de ce régime?

Et ils voient clairement que ce sort  funeste peut arriver à n'importe laquelle des femmes et des filles de la société. Il n'y a plus aucune distinction. Tu n'as pas besoin d'être un opposant politique qui manifeste pour sa cause ou un militant de droit civil ou syndical, un travailleur qui réclame ses arriérés de salaire, ou un retraité dont les pensions ne suffisent plus à vivre, ou un agriculteur en faillite par manque d'eau, ou un épargnant qui a perdu tous ses biens dans une banque islamique bidon ou un fonctionnaire dont sa paie ne suffit plus à vivre...

Aucune de ces catégories sociales ne peuvent expliquer cette attitude violente ; il n'y a plus d'échappatoire pour être à l'abri de la morsure de ce dragon. Cette personne peut être ouvrière ou femme au foyer, étudiante ou employée, pauvre ou riche, du nord ou du sud, kurde ou turque... il suffit d'être une femme pour être haïe par la République islamique et exposée à sa violence; mais pas une femme au sens physique ou biologique du terme; femme d'après la définition que la République islamique a établi pour elle au niveau social avec toutes les obligations, contraintes, devoirs, attentes et limitations qui découlent de ce rôle. Une définition qui est à la base d'une pensée religieuse spécifique et des relations sociales fondées sur elle, dont l'ensemble du système en tire sa légitimité dans chacun de ses aspects.

Ce qui depuis longtemps était considéré comme une obstacle à la vague révolutionnaire et une impasse véritable à l'essor des luttes c'est-à-dire la segmentation et l'isolement des motivations parcellaires (syndicales, professionnelles, raciales, ethniques, confessionnels, religieuse), motivations qui étaient fermées sur elles-mêmes, et pour cette même raison, ne pouvaient fournir la convergence nécessaire à une véritable vague révolutionnaire, a été détruite par les fidèles mercenaires du régime et a désigné la contradiction de genre comme le point d'intersection de toutes les discriminations qui imprègnent la société et a ouvert la voie à une transformation révolutionnaire.

Si le slogan « Femme, Vie, Liberté » est devenu le slogan de cette vague révolutionnaire, ce n'est pas seulement à cause de la signification du nom de Mahsa en kurde, mais c'est fondamentalement parce que ce mot constitue le général dont tous les particuliers réclamaient pour enfin réaliser leur convergence.

Oui, les femmes sont la vie, non seulement dans le sens où elles sont les partenaires des hommes pour gagner les moyens de subsistance de leur vie; elles sont elles-mêmes la vie. La vie émane d'elles, s'épanouit et se dessine autour d'elles ; les femmes, au sens de reproductrices de la population, sont au centre des sociétés et sont le point de départ de tous les processus de production. Tout revient aux femmes et au rôle social qui leur est assigné. La République Islamique a tellement bien bien compris le sens et le poids de cette assignation qu'elle l'a transformée en droit de propriété dont le hijab en est le titre (de propriété).

Tous les devoirs et les contraintes imposés aux femmes dans la République islamique ont pris ainsi la couleur de la captivité qui devient de plus en plus dure et lourde, au point de leur barrer toute respiration. Pour cette culture islamique, la femme n'est pas seulement sous la domination de l'homme, elle est

considérée comme sa possession, devant être protégée de tout regard extérieur. Ces devoirs et contraintes sociaux ne doivent pas être compris sous  un concept qui les réduit à des cas distincts et des points de droit, tels que le hijab obligatoire, l'organisation de son  respect stricte, la promotion de sa nécessité "culturelle" ou légale, légiférer sur les relations sociales avec les hommes, le choix d'un époux et le mariage, les devoirs conjugaux , la grossesse et l'avortement, la contraception, la maternité, le travail domestique, le divorce, l'héritage... . Chacun d'eux ne doit pas être compris dans un sens isolé et autonome, dans un sens "juridique" qui pourrait être sujet à des corrections ou des réformes. Ils forment un tout qui englobe l'Etat dans sa totalité.

Ce hijab est l'expression de l'appartenance et de la soumission à une culture à part entière, et c'est la manifestation la plus évidente, la plus extérieure de la chaîne de relations que cette docte religieuse déploie dans tous les domaines et dont elle en tire sa légitimité politique et sociale. Ce hijab est une norme idéologique qui leur permet de distinguer les familles chiites des étrangers; pas seulement dans la rue mais dans toutes les sphères sociales. Si votre femme respecte son hijab, alors il est possible de commercer avec vous ou de vous embaucher ou de se lier avec votre famille, de vous accepter comme gendre; ensuite, il suffit que vous vous trouviez quelques connaissances communes pour constituer un réseau qui deviendra votre capital social.

Le hijab pour la République islamique est une culture en soi, qui est devenue le drapeau de cette communauté.

Le clergé Chiite, il y a quarante ans a su écarter ses rivaux laïcs et de gauche et prendre le pouvoir politique en s'alliant à la bourgeoisie libérale, en empêchant un soulèvement armé de masses qui allait bouleverser les rapports capitalistes du temps du Shah et ouvrir un nouvel horizon pour les travailleurs; aujourd'hui quelque chose à fait bouger la société toute entière.

Le meurtre de Mahsa et l'étincelle qu'il a provoqué  parmi les femmes des classes «moyennes», mais aussi dans la jeunesse en général, les étudiantes, les lycéeness, les écolières, les professeurs et les enseignants …  a mis le feu aujourd'hui dans toutes les couches de la société. Deux semaines de manifestations dans presque tous le pays ont réveillé toutes les autres revendications et mobilisé toutes les catégories sociales.

Mahsa est l'image d'une femme qui montre toute l'ampleur de la vie, une ligne de lumière qui traverse verticalement toutes les strates de la société. Cette étincelle, qui a jailli de son voile, alla jeter le feu sur tout le corps de cet ordre social qui y était enveloppé. Cette flamme a atteint aujourd'hui leur soutane…

En ce moment sensible et historique, où des filles et des femmes au courage inégalé et aux initiatives audacieuses, aux côtés de leurs jeunes frères, prolétaires pauvres écrasés sous la misère quotidienne, affrontent le diable, les ouvriers des grandes entreprises, tout en se montrant solidaires avec ces luttes, semblent hésiter à entrer de façon indépendante dans la lutte en déclenchant des grèves qui pourraient paralyser le régime. Leur position est tout à fait compréhensible. Ils considèrent l'expérience d'il y a 40 ans, où en pleine révolution les couches supérieures de la société  ont préféré négocier avec  les puissances occidentales et ont vaincu une insurrection qui allait ouvrir de nouveaux horizons; ils ont vu leur organisation en conseil être infiltrée et supplantée par des conseils islamiques bidons et in fine Ils ont été témoins de la prise du pouvoir d'un ordre qu'ils ont dû combattre pendant plus de quarante ans. Ils ont vécu cet échec dans leur chair et leur sang; ils savent très bien combien ce combat peut leur coûter cher.

Les prolétaires et les travailleurs qui rejoignent la lutte dans l'obscurité de la nuit savent que leur subsistance, la leur et celle de leur famille dépend du travail journalier car ils commencent chaque jour en dessous de zéro et n'ont aucune réserve. Ceux qui ont un emploi, même temporaire, doivent garantir ce travail pour rendre leur vie simplement possible, et ceux qui n'ont rien et sont au chômage doivent assurer leur subsistance de quelque manière que ce soit. De plus, nos travailleurs savent que dans la situation actuelle, ce mouvement peut difficilement aller plus loin que la formation d'un Etat laïc, un État bourgeois conventionnel, et ce sont encore eux qui doivent vendre leur force de travail aux capitalistes non-religieux et laïcs, nationaux ou étrangers.

Chacun comprend que les protestations actuelles ne peuvent mener à l'étape suivante de la lutte et casser le carcan de la République islamique sans leur présence indépendante sous forme de grève. C'est dans cette luttes de classes que pourraient s'épanouir d'autres possibilités, des interactions nouvelles et qui sait, de nouveaux horizons pour les travailleurs iraniens.

C'est le point nœudal de notre situation. Une situation qui place, pour une fois, les ouvriers et les travailleurs dans la position privilégiée de déterminer leur destin. Ceux qui produisent toute la richesse de la société ont atteint aujourd'hui ce statut exceptionnel. Cette décision leur appartient.

Les ouvriers qui fréquentent depuis de nombreuses années, les milieux intellectuels et les livres, qui s'en sont nourris et surtout dans leur lutte quotidienne gagnent en maturité, se trouvent, tant sur le plan quantitatif que qualitatif, dans des conditions intellectuelles leur permettant de décider, par eux-mêmes sur la marche à suivre.

Habib Saï

Andisheh va Peykar (Pensée et combat)

29 septembre 2022

P.S: La grève de certaines unités de production dans les industries pétrolières a commencé le 10 octobre 2022.

[1] Voir: De la politique en Iran, Théo Cosme, Ed. Senonevero, Marseille, Nov.2010

Mahsa: larme sacrée, colère sacrée, violence sacrée

Avertissement

Tout d'abord, soulignons un point qui a son importance dans le contexte actuel: comme d'autres groupes en exil, nous avons par rapport à la situation iranienne, une présence qu'on pourrait, au mieux, qualifier de "secondaire" et "subordonnée". Nous ne pouvons en aucun cas prétendre être dans l'immédiateté des choses et tenir entre nos mains le pouls de la société; en d'autres termes, il faut considérer notre propos, encore plus qu'auparavant, comme purement "consultatif" et simplement notre façon de participer aux luttes en cours.

******

Rappelons nous du bon camarade Lénine qui disait qu'un instant de lutte dans une situation révolutionnaire était équivalent à des jours, des mois quant à l'expérience du peuple; ou quelque chose dans cette veine.

En Iran, il suffirait que la vague de protestations actuelles soit suivie par une vague de grève pour qu'on entre dans une telle situation.

Juste au moment où le clown enturbanné et idiot qui fait ces jours-ci office de Président de la République islamique a pris la tribune de l'ONU (le 21 septembre 2022) pour la chaire de la mosquée de son village natal, et a commencé son effronté discours mensongers et plein d'invectives avec un verset du Coran, la mère de Mahsa, la jeune femme martyre de Saghez, assise à même le sol du cimetière, à côté d'un tas de terre qui recouvrait sa bien-aimée, tenant une belle photo de sa fille sur la poitrine, enfonçait ses doigts dans la terre sanglante du Kurdistan et en versait des poignées sur sa tête pour ne pas laisser seule sa chère fille, victime de ce terrible destin.

Des milliers de personnes étaient rassemblées et l'entouraient en ce moment de douleur et de détresse, et les femmes transcendées par le chagrin et la colère, ont enlevé leur hijab et l'ont brûlé pour que plus jamais ce signe de tyrannie médiévale ne règne sur leur vie.

C'est à ce moment là que le Président, idiot du village,  affirme à la journaliste occidentale qui porte un fichu sur la tête que "les femmes iraniennes ont elles-mêmes, spontanément choisi le hijab" et que "le hijab de nos femmes fait partie de notre culture".

Lorsque cet imbécile, à la suite de son discours, parle avec obscénité de justice et prétend que "la justice elle-même est enracinée dans une rationalité portée par la révélation", sans s'en rendre compte, il proclame que "le désir d'établir la justice est un don divin dans l'existence de chacun, et une accumulation d'injustices met en mouvement les nations sous forme de révolutions populaires."

Visiblement il ne voit pas à quel point le peuple iranien est en train de démontrer la justesse de son postulat … contre lui!

Ici, on ne va pas s'attarder sur les vagues successives d'une insurrection qui aujourd'hui frappe à la porte, ni de ses 40 ans d'aléas et d'histoire ; d'autres l'ont fait, mieux et peut-être de façon plus précise que l'on pourrait le faire; mais il y a des points qu'il ne faut pas négliger dans cet élan d'enthousiasme et d'espoir; surtout si l'on veut regarder la situation, non pas du point de vue d'une sorte de "liberté" métaphysique ou simplement en se plaçant dans la perspective des libertés individuelles et démocratiques  à l'occidental, mais de l'évaluer du point de vue des travailleurs et leur sort.

Si nous le faisons, c'est aussi parce que dans l'insurrection de février 1979, nous avons expérimenté la "voix directe"  [صراط‌المستقیم terme coranique] de "l'unité de la parole" [principal slogan de Khomeiny qui a entraîné les foules contre le Shah] dans notre chair et notre sang

et surtout nous voyons à quelle sinistre combinaison tout ceci  a abouti.

Dans de telles situations, il faut se méfier des prêts-à-penser évidents et essayer de réfléchir à contre-courant.

La République islamique n'est pas un gouvernement conventionnel comme un autre, qui soit arrivé au pouvoir, par exemple, à travers une consultation générale ou même par un coup d'État ou une révolution classique ; dans de telles situations, la question de la nature de l'Etat et du pouvoir en place apparaîtrait de façon plus simple et plus lisible; nous aurions par exemple un gouvernement, comme à l'époque du Shah, qui est arrivé au pouvoir par un coup d'État et en s'adossant à une répression sanglante; personne, sauf ceux de sa clique et sa dépendance n'aurait de doute quant à sa nature. Il répondait clairement aux intérêts de sa classe et des firmes américaines et voulait assurer le rôle du gendarme des USA dans le Golfe Persique. Ça serait un gouvernement fantoche qui se maintien au pouvoir grâce à l'armée, sa police politique (la SAVAK), ses conseillers militaires étrangers et ses experts en sécurité; il serait fondamentalement là pour répondre aux exigences structurelles et fonctionnelles du développement du capital international dans un pays dominé à un moment donné de son évolution.

Ou nous serions face à un État issu des révolutions bourgeoises du XIXe siècle, où la classe montante a pu écarter les anciennes classes au pouvoir - les grands propriétaires terriens, les seigneurs féodaux - et créer un État répondant aux besoins de l'instauration et du développement du capitalisme.

Dans de telles situations, nous serions confrontés à des séparations de classe claires et idéologiquement conformes à ces tracés de classe, dans lesquelles il serait aisé de distinguer la ligne de démarcation entre la révolution et la contre-révolution.

Mais ici, dans la situation présente de l'Iran, nous avons affaire à un État non-conventionnel qui a fondé essentiellement son pouvoir, compte tenu de la façon dont celui-ci s'est constitué, dans sa genèse et son développement, non pas sur des politiques de classe évidentes et claires, mais sur une idéologie qui a apparemment répondu aux besoins de la société à un certain stade de la lutte de classes; ce qui le rend  particulièrement difficile à appréhender.

Le gouvernement de la République islamique et son appareil idéologique, et surtout la culture qui en a émergé avec sa stabilisation, ne répondait pas à un programme préétabli du clergé ou de la bourgeoisie dite "libérale", mais lorsque la lutte des classes et la crise révolutionnaire ont culminé avec l'insurrection de février 1979 et que diverses forces sociales se sont mises m en mouvement pour renverser le régime détesté du Shah, on pouvait distinguer  essentiellement trois courants politiques considérés comme représentants des catégories, couches et classes sociales qui se sont affrontées pour prendre la direction du mouvement populaire.

Premièrement, la bourgeoisie dite "libérale", qui se trouvai en opposition avec le monopole du grand capital dite "compradore", qui était entre les mains du Shah, de sa cour, sa famille et ses fidèles. Elle se trouvait dans une position conflictuelle avec la grande bourgeoisie car en même temps qu'elle était dépendante de l'existence de ce capital, de ses infrastructures et ses circuits, elle était en opposition avec son monopole et sa mainmise exclusive sur la quasi-totalité de l'appareil productif. Son slogan, tout naturellement se résumait à combattre "la dictature du Shah".

Pour elle, cette dictature signifiait en fait la dictature économique du grand capital qui ne permettait pas aux capitaux "domestiques" d'obtenir des conditions de croissance et de rentabilité satisfaisante. Cette bourgeoisie "nationale" n'a jamais eu l'intention de renverser le régime du Shah par la violence, mais a seulement exigé un léger recul par rapport aux positions économiques du capital monopoliste dominant. Ce courant politique ne pouvait prétendre à produire aucun programme spécifique à partir de ce qu'il était car toute croissance d'un capitalisme "national" ou de développement auto-centré était devenu impossible et caduque dans les conditions de la subsomption réelle au niveau international après la seconde guerre mondiale. Cette impossibilité faisait d'elle ce qu'elle était, c'est-à-dire effrayée par la révolution et les travailleurs en lutte; et bien sûr leurs représentants politiques en étaient bien conscients.

Le deuxième courant était mené par Khomeiny, le clergé Chiite et les grands commerçants du bazar. Khomeiny, depuis le soulèvement de 1963 (soulèvement du clergé traditionnel, des milieux du bazar et les grands propriétaires terriens qui, mené par Khomeyni et dirigé contre le Shah protestait contre les mesures de réformes agraires et des dispositions légales notamment en faveur du droit de vote des femmes … déjà !! ) était exilé à Najaf, ville Chiite en Irak; ce courant sera considéré plus tard, surtout après l'occupation de l'ambassade des États-Unis en Novembre 1979, comme "la ligne de l'Imam". À partir de cette date, la direction du clergé, Khomeiny et les autres ayatollahs qui l'entouraient ont intégré cet événement et ont dû renforcer encore plus leur tendance anti-impérialiste de départ pour se conformer aux exigences populaires.

Ce courant religieux du clergé représentait le bazar et bien sûr eux-mêmes (qui, en tant que couche sociale, avaient traditionnellement un rôle économique important du fait de leurs propriétés foncières, les biens de mainmorte (vaghf), les donations, les impôts religieux ainsi que des intérêts commerciaux communs avec les commerçants). Les deux couches sociales étaient par ailleurs depuis toujours liées par des mariages et des liens de parenté.

On peut à grands traits définir ce courant comme  la petite bourgeoisie traditionnelle aisée qui se trouvait en contradiction avec l'instauration et l'accélération des rapports de production capitalistes initiés et impulsés par la réforme agraire et surtout par ses expressions et aspects culturels, qui étaient considérés comme une sorte de modernisation hâtive et “à l’occidentale” minant et détruisant leur idéologie ancestrale qui au moins depuis plus de trois siècles cimentaient les rapports de propriété traditionnelle.

Depuis cette époque, nous avons été témoins des positions réactionnaires du clergé, de la culture islamiques en général, par rapport aux droits des femme; ces positions étant incompatibles avec la culture occidentale défendue par le régime du Shah, qui lui de son côté ne répondait qu'aux besoins du capital international; la politique des années 1950 et 1960 en Iran, suite à la “révolution blanche” de 1962 n'avait d'autre contenu que la destruction des rapports traditionnels, les structures qui les faisaient fonctionner et en même temps  l’instauration et l'extension des rapports de production capitaliste.

À ce niveau, elle voulait que les femmes soient des sujets "libres" des restrictions traditionnelles (pour pouvoir travailler dans les bureaux et les usines) tout comme les serfs et les paysans pauvres qui perdant leur terre étaient obligés de se rendre dans les grandes villes pour trouver du travail dans les usines importées des industries de montage ou au sein des sociétés agro-industrielles; ces deux forces de travail "libérées" leur fournissant une main-d'œuvre bon marché.

Le troisième courant était le courant populaire, démocratique et laïque, composé de travailleurs urbains et ruraux et d'organisations aux idées de gauche ou communistes (essentiellement des marxiste-léninistes) qui se considéraient comme appartenant à la classe ouvrière et qui tentaient d'adopter une ligne indépendante de défense des luttes immédiates des masses populaires et contre l’hégémonie des deux autres courants; ils militaient pour une République démocratique populaire.

L'existence de cette troisième ligne démocratique et radicale avant l'insurrection de 1979,  le rôle qu'elle a joué dans le processus de l'insurrection elle-même, et surtout  l'énorme développement des organes populaires de masses, exprimant  l'auto-organisation spontanée du peuple, (comités révolutionnaires, conseils locaux, conseils dans les administrations et les usines) et la présence et l’activité des organisations marxistes, avaient tellement effrayé les deux autres courants qu'elle se sont trouvées obligés de former une alliance, et surtout d’entamer les négociations avec les généraux et les agents secrets US et d'autres gouvernements européens. Ces négociations sont aujourd'hui largement documentées: la situation iranienne était le contenu central discuté à la Conférence de la Guadeloupe entre les Etats-Unis, la France, les Allemands et les Britanniques en janvier 1979.

L'armée qui de son côté se préparait à lancer son coup de force pour sauver à nouveau le royaume des Pahlavi, a vu le véto des USA qui entre-temps avait obtenu les garanties nécessaires de la bourgeoisie libérale et du clergé, et qui a préféré avoir les religieux au pouvoir que de risquer d'affronter la gauche et les communistes à la tête d'une insurrection armée.

C'est ainsi que d'un seul coup, au milieu de manifestations monstres qui avaient lieu dans les grandes villes, l'armée qui jusque-là ne faisait que réprimer et tirer sur les gens, a été soudain considérée comme "le frère du peuple" et de la révolution et les manifestants sortis de nulle part mettaient des fleurs au bout de leur fusil. Khomeiny rentre en Iran et la galère commence.

Le clergé en s'appuyant sur son large système d'organisation (petits et grands clercs, étudiants des écoles coraniques, les mosquées et les lieux de culte…) a réussi progressivement à imposer ses slogans spécifiques et immédiatement après la prise du pouvoir, a appelé à la collecte des armes que les courants révolutionnaires et les peuples (arabe,kurde, turkmène …) ainsi que la gauche et les communistes avaient pu récupérer en prenant le contrôle des casernes pendant les journées de combat de février 79 et lors du renversement du régime du Shah.

Au moment de son accession au pouvoir, ce clergé n'avait pas de plan précis si ce n'est de limiter le mouvement, d'empêcher la croissance de la vague révolutionnaire et d'essayer de la contenir.

Il voulait à tout prix remettre en fonction les rouages économiques : rétablir les échanges et sauver les contrats en cours, remettre de l'ordre dans les administrations, les villes, les quartiers, les bureaux et les usines... et surtout, ce qui lui semblait vital, mettre fin aux grèves qui paralysaient la production du pétrole et redémarrer son exportation.

Le clergé ne pouvait s'emparer du pouvoir politique et faire fonctionner la société sans produire, parallèlement à la progression de la vague révolutionnaire, son propre discours révolutionnaire. C’est ainsi que face et en contraste au discours laïc, populaire et communiste qui attirait de plus en plus les masses, il a créé tout un langage qui accaparait le potentiel révolutionnaire du discours de gauche et ses limites historiques - limites qui ne pouvaient être reconnues que plus tard, c'est-à-dire être pris au piège de la logique du capital, le maintien des usines et des emplois ouvriers, la division internationale du travail... l’effondrement de tout horizon socialiste... en un mot, la sortie des rapports de production capitalistes - et l’a intégrée dans les potentialités de la culture chiite. Il ne faut pas oublier que le chiisme a contrario du sunnisme est très performant sur le plan idéologique et peut répondre grâce à une structure d'autorité flexible, la notion d'ijtihad, à n’importe quelle situation sociale. Pour les chiites après l'occultation du douzième Imam c'est le mojtahed qui interprète la loi et représente la communauté; cette particularité permet à l'islam chiite de se greffer sur les besoins conjoncturels de la société et de jouer le moment venu, le rôle d'une alternative politique.

L'enjeu social et politique le plus important du mouvement islamique était que d'une part, il devait prendre en charge les nécessités de gestion de la reproduction de la société et, par conséquent, se conformer à l'articulation internationale de la région et au rôle qui lui était confié dans la division internationale du travail, et d'autre part, se montrer comme l'expression et l'organisateur des masses laborieuses qui se sont soulevées pour lutter contre cet ordre.

Mais tout cela ne constituait en aucun cas un programme pour aucun des prétendants au pouvoir, précisément parce qu'aucune des couches et classes qui participaient à ce mouvement n'était en mesure d'organiser un développement socio-économique capitaliste spécifique.

Dans cette situation de double impossibilité, c'étaient les religieux qui se trouvaient dans une situation où ils pouvaient mieux prendre en charge les contradictions provoquées par l'intégration de l'Iran dans le cycle international du capital, précisément parce qu'ils étaient, en tant que force sociale, la résultante de contradictions qui en même temps montraient les limites de la lutte des travailleurs ainsi que l'impossibilité d'un programme national pour la bourgeoisie.

Ils se sont retrouvés dans une position où ils devaient reconnaître pas à pas leurs propres intérêts en tant qu’Etat - un Etat dont par un jeu dialectique d’intégration et d’exclusion, ses membres et ses courants évoluaient à chaque instant - et les faire avancer dans la lutte politique.

C'est ainsi que le discours de l'islam politique, utilisé depuis longtemps au Moyen-Orient, a trouvé des caractéristiques et des accents irano-chiites particuliers et des concepts tels que "Ummat islamique", "Mostaz’afin" (les affaiblis), "Justice islamique", "Société Monothéiste sans classe”, "les Martyrs de l’islam", le "Achoura de Hossein", etc. ont vêtu des habits très politiques, matériels et fonctionnels afin de stabiliser la République islamique.

Petit à petit, la République Islamique fonde ses institutions et ses instances dirigeantes sur ce discours populaire et populiste. Dès le lendemain de l’insurrection, elle crée ses organes de répression et de souveraineté et réprime progressivement toutes les couches et classes qui avaient participé à la révolution et qui ne rentraient pas dans la moule. Il n'a fallu que deux semaines pour que les femmes, conscientes du danger dont cette force réactionnaire était porteuse, entrent en opposition à celle-ci et manifestent dans les rues de Téhéran leur refus du Hijab islamique tandis que la gauche en général y est restée plus ou moins indifférente et de ce fait porte pour toujours la marque indélébile de la honte de son inconscience; la gauche n'a pas compris à ce moment historique l'importance du hijab dans la structure qui se mettait en place. Elle était incapable de comprendre qu'il ne s'agissait pas seulement d'un voile comme accessoire féminin anodin, mais du symbole le plus évident qui lie les femmes et leurs familles à la République islamique et à la culture que porte ce pouvoir politique. Ce hijab signifie la soumission au pouvoir qui s’établit et  s'impose à toute la société; il signifie l'acceptation de toutes les lois juridiques et les rapports de propriété que ce pouvoir politique met en œuvre et qui, une fois développés s'imposent comme un rapport de production. Ce hijab est la manifestation la plus évidente qui permet de reconnaître les “siens” des “autres”.

Après quelques années de hauts et des bas de la lutte des classes, durant lesquelles des milliers de révolutionnaires, démocrates et communistes ont péri; ainsi que des hommes et des femmes, appartenant aux minorités nationales et ethniques qui avaient fait flotter héroïquement le drapeau de la lutte dans toutes les régions du pays, ce gouvernement populiste, pour se débarrasser définitivement de ces protestations, a transformé des escarmouches militaires quotidiennes sur la frontière irakienne en guerre totale afin de briser les vagues de la révolution par une autre, de patriotisme et d'unité nationale.

Le résultat le plus important de cette guerre sanglante qui a duré huit ans, outre le sacrifice de centaines de milliers de travailleurs irakiens et iraniens, a été la stabilisation d'un système idéologique, organisé autour de la notion de Velayat du Faghih (la tutelle du théologien-juriste) et imprégné dans une culture politique basée sur l'autorité religieuse et politique du Guide suprême et s'appuyant sur sa force répressive spécifique (l’armée des Pasdarans de la Révolution et le Bassij).

Trente ans de lutte de classes avec ses flambées et ses rébellions ont fait que la République islamique et son Umma sont  de plus en plus recroquevillés et fermés sur eux-même. Le dernier gouvernement (celui de Raïssi, boureau des prisons en 1987) se veut uniforme et exige une cohérence stricte autour de l'islam et tout y passe, des écoles et universités jusqu'à la médecine, l'économie et la banque et même le sport; les femmes iraniennes sont privés de stade et dans quasiment toutes les sports au niveau international les champions iraniens doivent refuser - bien entendu sous motif d'impréparation ou de blessure - de rencontrer les champions israéliens; d'où le nombre important de champions iraniens qui se sont sauvés du pays et participent au compétitions internationales sous d'autres drapeaux.

Tout doit être islamisé; et la façon la plus visible de témoigner son appartenance et sa soumission est le port du voile avec lequel la République Islamique s'est recouverte.

L'hypertrophie de l'Etat en Iran, le fait qu'il s'appuie exclusivement sur l'idéologie et la violence (Clergé + les écoles coraniques et les Pasdars, les Bassidjis et les forces militaires et de sécurité), le contrôle quasi exclusif qu'il a sur la vie économique grâce aux revenus pétroliers et à travers les entreprises étatiques, les fondations (Bonyad) religieuses et toutes sortes d’institutions commerciales autorisées sous des motifs fallacieux islamiques …en fait une force productive totale. C'est une affaire politique qui s’est directement plongée dans la vie économique et l’organise de part en part à sa façon et selon ses critères. Bien entendu tous les États ont un certain poids économique et des activités productives; il existe des entreprises où les Etats se constituent comme actionnaire majoritaire ou même des industries sous propriété étatique, mais la République islamique elle-même est devenue un rapport de production en raison de la façon dont elle s'est formée et a évolué ; elle est le point de départ et le point d'arrivée ; il détermine la propriété du capital et choisit la voie de sa croissance ; de A à Z. Mais elle n'est pas très performante dans cette tâche car c'est un État basé sur la rente pétrolière, ce qui rend cette existence plus difficile et improductive. Les gouvernements rentiers ne stimulent et n'encouragent pas l'activité économique, mais ils l'empoisonnent. Aucune loi "normale" de l'économie capitaliste ne fonctionne correctement sous les contraintes de l'économie rentière.

Les caractéristiques générales de l'économie rentière a atteint la soutane de ces messieurs et aucune prière ou incantation ne leur permet de s'en débarrasser.

Pour la République Islamique, le profit est fourni à l'avance sous forme de revenu, qui à son tour est simplement redistribué et joue un rôle très faible dans le cycle de la production ; les projets économiques ne sont que des prétextes pour allouer des capitaux et leur utilité ou leurs résultats économiques ne sont aucunement pris en compte ; la production de plus-value est quelque chose de tout à fait secondaire car déjà attribuée au moment de l'allocation du capital ; ils construisent d'énormes barrages, très souvent par des contractants privés des Pasdarans, puis constatent qu'il n'y avait pas de source d'eau suffisante; ou que le barrage en question entraîne des dommages irréparables à l'environnement! Peu importe! Un budget leur est accordé à partir des revenus pétroliers pour le détruire ; sans aucune étude ni enquête, ils construisent d'énormes conduites d'eau pour amener l'eau d'une région à une autre, où les grands propriétaires sont censés leur payer des rétributions soit en argent, soit sous forme d'achat de votes ; la motivation des décisions prises en lien avec la coopération et le développement est tout sauf la satisfaction des besoins de la société ; toutes les allocations budgétaires des différentes régions sont basées sur les intérêts politiques locaux ou nationaux du système ; le salaire des ouvriers et leur pouvoir d'achat ne jouent qu'un part minim dans la réalisation des produits, et pour cette raison, il est tout à fait déconnecté de l'accumulation ; pour le patron iranien c'est une dépense inutile qui doit être le moins possible, payée le plus tard possible ou, si possible, pas payée du tout ; toute importation vaut mieux que la production sur place car cela exige une technologie étrangère, une expertise étrangère et des pièces de rechange étrangères, ce qui rend le produit non compétitif... et mille autres caractéristiques.

La République islamique en raison de ces caractères basiques, c'est-à-dire son populisme inhérent qui l'a fait immergée dans la société et ses prétentions à englober la nation tout entière se trouve face à une sorte d'"incompatibilité" avec le capital international; les contradictions de ses fractions internes sont l'expression de cette incompatibilité. L'immense fragilité économique du pays dans le cadre de ces rapports fermées empêche le développement des relations capitalistes avec l'Occident et l'oblige à s'appuyer sur les puissances «orientales». Les efforts du Président, ces derniers temps pour activer les relations commerciales et de productives avec la Chine, la Russie et l'Inde, la signature de contrats secrets inégaux qui sont censés courir sur plusieurs décennies et ses supplications pour devenir membre du Pacte de Shanghai n'ont d'autre but que maintenir d'une manière ou d'une autre sa relation avec les infrastructures capitalistes mondiales.

Bien sûr, à la base de tout cela, on retrouve les limites auxquelles toute forme d'économie rentière est exposées. Mais en Iran, il y a un autre problème omniprésent qui découle de la nature de la République islamique. C'est une formation politique qui est elle-même devenue un rapport de production. En Iran, la République islamique n'est pas le représentant politique ou l'expression du rapport de production capitaliste, mais plutôt le rapport de production capitaliste lui-même. Il n'est pas comme les autres Etats conventionnels dans lesquels les représentants politiques représentent les rapports de production et, par conséquent se trouverait au-dessus des classes et séparé de la société. La République islamique est un État non-séparé[1] qui n'accepte pas l'existence des classes et ne reflète donc pas leurs revendications et leurs luttes. Dans cette situation, son discours politique se veut inclusif et uniforme, recouvert d'un voile islamique.

Un État idéologique et non-séparé signifie que chaque effort et activité, dans n'importe quel domaine, culturel, civil, social ou économique, doit être connecté et lié au système, prendre sa place au sein de l'ordre social créé par cet État, y être reconnu, payer ses impôts religieux aux responsables de la charia et des hommes du pouvoir. Ici, nous n'avons pas affaire à des personnes libres qui sont liées les unes aux autres par leurs activités sociales ou économiques, mais elles seront autorisées à exercer telle ou telle activité sociale ou économique par et à cause de leur relation avec le pouvoir ; qu'il s'agisse d'une petite entreprise, d'une commerce ou d'un artisan.

Dans une telle société, il n'y a naturellement pas de classe capitaliste libre qui puisse faire aboutir un projet, contracter un emprunt auprès d'une banque sans l'approbation et l'autorisation de l'autorité légitime ou trouver un marché pour ses produits sans la présence et le soutien des Pasdarans. Il n'a aucune chance de se développer à moins qu'il ne fusionne d'une manière ou d'une autre avec la pieuvre que constitue le Velayat-é-Faqih.

Mais cette immersion dans la société n'empêche pas la lutte des classes et les revendications des couches différentes de la société, y compris la bourgeoisie, de la traverser. Cet état de fait est bien sûr dû au contrôle presque total de l'Etat sur l'économie, mais pas uniquement; en Iran, puisque le gouvernement est une forme politique qui s'est transformée en rapport de production, nous sommes face à une incohérence structurelle car, comme déjà décrit, la croissance socio-économique est contrecarrée à chaque pas par ces rapports obstrués ; Cette enveloppe s'avère de plus en plus incapable de les contenir.

Au cours des trente dernières années, cette croissance lente et souterraine a créé une société civile que la dictature du Shah et son militarisme débridé avaient empêchée. Des associations, organisations et syndicats, des maisons de métiers, des foyers... se sont créés et ont imposé leur existence à la République islamique. Il y a aussi une nouvelle génération constituée de descendants de responsables religieux ou militaires et de notables… dont leur père ont su privatiser par diverses ruses et procédés les propriétés collectives et étatiques en leur bénéfice (mainmise sur les ressources de l'Etat, confiscation directe des biens de la famille royale et des personnes aisées fuyant le pays, création de fondations et d'institutions sous prétexte d'intérêts publics et religieux, privatisations par "la vente aux proches et aux relatifs", vols et détournements de fonds, tous sortes de dépenses et de commissions sous prétexte de contourner les sanctions, des myriades de structures dépendant du pouvoir ...). Une partie de la propriété étatique est ainsi transformée en propriété privée qui a besoin de fonctionner comme du capital libre. Progressivement ceci provoque la séparation d'une couche de la classe dominante du corps de la République islamique et exige la liberté d'entreprendre et des relations avec l'Occident… Pour ce genre de rapport, il est nécessaire d'établir un État conventionnel au-dessus des classes. C'est un mode de développement pour qui l'intégration au processus de mondialisation du capital devient une nécessité fondamentale. (En plus, cela se produit dans une situation où le capitalisme mondialisé lui-même se trouve dans une crise grave et est à la recherche d'un  nouvel ordre mondial).

Là encore, la République Islamique est en prise avec une crise évidente à cause des sanctions. Jusqu'à aujourd'hui,  l'Etat était capable d'attirer des pans de la société comme le clergé et les fonctionnaires grâce à la redistribution de la rente pétrolière et d'extraire ses forces de répression des classes populaires, mais aujourd'hui la situation est telle qu'il ne peut même pas satisfaire ses propres troupes.

C'est dans cette situation que quelque chose se produit qui contrairement aux protestations revendicatives ou civiles du passé devient globale.

Mahsa est tuée. Ce meurtre cruel est perpétré sous prétexte d'un défaut de hijab règlementaire par une police spécifiquement constituée pour le faire respecter. Le problème dans ce cas précis c'est que ce gourdin de répression est frappé à la nuque de quelqu'un qui a suivi les règles du hijab obligatoire d'une manière courante chez la plupart des femmes et il n'y a vraiment aucune raison pour une telle peine. Les gens sont à juste titre en mesure de se demander, mais pourquoi ? Bon sang, mais que faudrait-il faire pour éviter la brutalité et la bestialité de ce régime?

Et ils voient clairement que ce sort  funeste peut arriver à n'importe laquelle des femmes et des filles de la société. Il n'y a plus aucune distinction. Tu n'as pas besoin d'être un opposant politique qui manifeste pour sa cause ou un militant de droit civil ou syndical, un travailleur qui réclame ses arriérés de salaire, ou un retraité dont les pensions ne suffisent plus à vivre, ou un agriculteur en faillite par manque d'eau, ou un épargnant qui a perdu tous ses biens dans une banque islamique bidon ou un fonctionnaire dont sa paie ne suffit plus à vivre...

Aucune de ces catégories sociales ne peuvent expliquer cette attitude violente ; il n'y a plus d'échappatoire pour être à l'abri de la morsure de ce dragon. Cette personne peut être ouvrière ou femme au foyer, étudiante ou employée, pauvre ou riche, du nord ou du sud, kurde ou turque... il suffit d'être une femme pour être haïe par la République islamique et exposée à sa violence; mais pas une femme au sens physique ou biologique du terme; femme d'après la définition que la République islamique a établi pour elle au niveau social avec toutes les obligations, contraintes, devoirs, attentes et limitations qui découlent de ce rôle. Une définition qui est à la base d'une pensée religieuse spécifique et des relations sociales fondées sur elle, dont l'ensemble du système en tire sa légitimité dans chacun de ses aspects.

Ce qui depuis longtemps était considéré comme une obstacle à la vague révolutionnaire et une impasse véritable à l'essor des luttes c'est-à-dire la segmentation et l'isolement des motivations parcellaires (syndicales, professionnelles, raciales, ethniques, confessionnels, religieuse), motivations qui étaient fermées sur elles-mêmes, et pour cette même raison, ne pouvaient fournir la convergence nécessaire à une véritable vague révolutionnaire, a été détruite par les fidèles mercenaires du régime et a désigné la contradiction de genre comme le point d'intersection de toutes les discriminations qui imprègnent la société et a ouvert la voie à une transformation révolutionnaire.

Si le slogan « Femme, Vie, Liberté » est devenu le slogan de cette vague révolutionnaire, ce n'est pas seulement à cause de la signification du nom de Mahsa en kurde, mais c'est fondamentalement parce que ce mot constitue le général dont tous les particuliers réclamaient pour enfin réaliser leur convergence.

Oui, les femmes sont la vie, non seulement dans le sens où elles sont les partenaires des hommes pour gagner les moyens de subsistance de leur vie; elles sont elles-mêmes la vie. La vie émane d'elles, s'épanouit et se dessine autour d'elles ; les femmes, au sens de reproductrices de la population, sont au centre des sociétés et sont le point de départ de tous les processus de production. Tout revient aux femmes et au rôle social qui leur est assigné. La République Islamique a tellement bien bien compris le sens et le poids de cette assignation qu'elle l'a transformée en droit de propriété dont le hijab en est le titre (de propriété).

Tous les devoirs et les contraintes imposés aux femmes dans la République islamique ont pris ainsi la couleur de la captivité qui devient de plus en plus dure et lourde, au point de leur barrer toute respiration. Pour cette culture islamique, la femme n'est pas seulement sous la domination de l'homme, elle est

considérée comme sa possession, devant être protégée de tout regard extérieur. Ces devoirs et contraintes sociaux ne doivent pas être compris sous  un concept qui les réduit à des cas distincts et des points de droit, tels que le hijab obligatoire, l'organisation de son  respect stricte, la promotion de sa nécessité "culturelle" ou légale, légiférer sur les relations sociales avec les hommes, le choix d'un époux et le mariage, les devoirs conjugaux , la grossesse et l'avortement, la contraception, la maternité, le travail domestique, le divorce, l'héritage... . Chacun d'eux ne doit pas être compris dans un sens isolé et autonome, dans un sens "juridique" qui pourrait être sujet à des corrections ou des réformes. Ils forment un tout qui englobe l'Etat dans sa totalité.

Ce hijab est l'expression de l'appartenance et de la soumission à une culture à part entière, et c'est la manifestation la plus évidente, la plus extérieure de la chaîne de relations que cette docte religieuse déploie dans tous les domaines et dont elle en tire sa légitimité politique et sociale. Ce hijab est une norme idéologique qui leur permet de distinguer les familles chiites des étrangers; pas seulement dans la rue mais dans toutes les sphères sociales. Si votre femme respecte son hijab, alors il est possible de commercer avec vous ou de vous embaucher ou de se lier avec votre famille, de vous accepter comme gendre; ensuite, il suffit que vous vous trouviez quelques connaissances communes pour constituer un réseau qui deviendra votre capital social.

Le hijab pour la République islamique est une culture en soi, qui est devenue le drapeau de cette communauté.

Le clergé Chiite, il y a quarante ans a su écarter ses rivaux laïcs et de gauche et prendre le pouvoir politique en s'alliant à la bourgeoisie libérale, en empêchant un soulèvement armé de masses qui allait bouleverser les rapports capitalistes du temps du Shah et ouvrir un nouvel horizon pour les travailleurs; aujourd'hui quelque chose à fait bouger la société toute entière.

Le meurtre de Mahsa et l'étincelle qu'il a provoqué  parmi les femmes des classes «moyennes», mais aussi dans la jeunesse en général, les étudiantes, les lycéeness, les écolières, les professeurs et les enseignants …  a mis le feu aujourd'hui dans toutes les couches de la société. Deux semaines de manifestations dans presque tous le pays ont réveillé toutes les autres revendications et mobilisé toutes les catégories sociales.

Mahsa est l'image d'une femme qui montre toute l'ampleur de la vie, une ligne de lumière qui traverse verticalement toutes les strates de la société. Cette étincelle, qui a jailli de son voile, alla jeter le feu sur tout le corps de cet ordre social qui y était enveloppé. Cette flamme a atteint aujourd'hui leur soutane…

En ce moment sensible et historique, où des filles et des femmes au courage inégalé et aux initiatives audacieuses, aux côtés de leurs jeunes frères, prolétaires pauvres écrasés sous la misère quotidienne, affrontent le diable, les ouvriers des grandes entreprises, tout en se montrant solidaires avec ces luttes, semblent hésiter à entrer de façon indépendante dans la lutte en déclenchant des grèves qui pourraient paralyser le régime. Leur position est tout à fait compréhensible. Ils considèrent l'expérience d'il y a 40 ans, où en pleine révolution les couches supérieures de la société  ont préféré négocier avec  les puissances occidentales et ont vaincu une insurrection qui allait ouvrir de nouveaux horizons; ils ont vu leur organisation en conseil être infiltrée et supplantée par des conseils islamiques bidons et in fine Ils ont été témoins de la prise du pouvoir d'un ordre qu'ils ont dû combattre pendant plus de quarante ans. Ils ont vécu cet échec dans leur chair et leur sang; ils savent très bien combien ce combat peut leur coûter cher.

Les prolétaires et les travailleurs qui rejoignent la lutte dans l'obscurité de la nuit savent que leur subsistance, la leur et celle de leur famille dépend du travail journalier car ils commencent chaque jour en dessous de zéro et n'ont aucune réserve. Ceux qui ont un emploi, même temporaire, doivent garantir ce travail pour rendre leur vie simplement possible, et ceux qui n'ont rien et sont au chômage doivent assurer leur subsistance de quelque manière que ce soit. De plus, nos travailleurs savent que dans la situation actuelle, ce mouvement peut difficilement aller plus loin que la formation d'un Etat laïc, un État bourgeois conventionnel, et ce sont encore eux qui doivent vendre leur force de travail aux capitalistes non-religieux et laïcs, nationaux ou étrangers.

Chacun comprend que les protestations actuelles ne peuvent mener à l'étape suivante de la lutte et casser le carcan de la République islamique sans leur présence indépendante sous forme de grève. C'est dans cette luttes de classes que pourraient s'épanouir d'autres possibilités, des interactions nouvelles et qui sait, de nouveaux horizons pour les travailleurs iraniens.

C'est le point nœudal de notre situation. Une situation qui place, pour une fois, les ouvriers et les travailleurs dans la position privilégiée de déterminer leur destin. Ceux qui produisent toute la richesse de la société ont atteint aujourd'hui ce statut exceptionnel. Cette décision leur appartient.

Les ouvriers qui fréquentent depuis de nombreuses années, les milieux intellectuels et les livres, qui s'en sont nourris et surtout dans leur lutte quotidienne gagnent en maturité, se trouvent, tant sur le plan quantitatif que qualitatif, dans des conditions intellectuelles leur permettant de décider, par eux-mêmes sur la marche à suivre.

Habib Saï

Andisheh va Peykar (Pensée et combat)

29 septembre 2022

P.S: La grève de certaines unités de production dans les industries pétrolières a commencé le 10 octobre 2022.

[1] Voir: De la politique en Iran, Théo Cosme, Ed. Senonevero, Marseille, Nov.2010

 Informe sobre las manifestaciones del 13 de agosto de 2021 en Madrid:

 

Con motivo del 500 aniversario de la resistencia indígena en México

El 13 de agosto de 1521, el comandante de las fuerzas coloniales españolas informó al rey de ese país: la resistencia indígena ha sido aplastada y de ahora en adelante, el nombre de esta tierra será Nueva España.

Durante estos quinientos años, un gran número de pueblos nativos e indígenas ha sido destruido de diversas formas: desde la represión directa ejercida por las fuerzas militares y católicas españolas en la guerra hasta la cristianización forzada y la inmersión de los "infieles" (los que resistieron) en calderas de aceite hirviendo; desde la viruela (que no existía en el continente americano y fue propagada por los colonizadores españoles quitando la vida a cientos de miles de personas) hasta la sífilis  (enfermedad de transmisión sexual que los contagió por las violaciones que sufrían las mujeres indígenas); desde la destrucción de importantes monumentos históricos, culturales y religiosos de los nativos hasta la difusión de la cultura occidental a través de la exportación de McDonalds y Starbucks, la transgresión de los recursos naturales de México mediante empresas multinacionales y la producción de maíz y otros granos transgénicos.

El pueblo de México ha hecho frente a agresiones y saqueos durante quinientos años. Los levantamientos indígenas en distintas épocas han surgido de múltiples formas y en cada rincón de esta tierra.

La preservación de las lenguas y costumbres siempre ha significado resistencia a los ataques coloniales, y una parte considerable de los nativos de este país aún puede hablar su lengua materna.

Pero el 1 de enero de 1994, la perla de la resistencia emergió de la concha de las luchas indígenas en forma del Ejército Zapatista de Liberación Nacional con la consigna "¡Ya basta!".  La organización, que durante más de una década había reunido en secreto a una gran población a nivel nacional en el estado de Chiapas, se ha convertido desde entonces en una de las principales fuerzas de los movimientos revolucionarios en todo el mundo. Una fuerza que de vez en cuando, por iniciativa propia, ha sorprendido a amigos y enemigos.

El 1 de enero de 2021 se divulgó un comunicado firmado por el Ejército Zapatista de Liberación Nacional y numerosos grupos y organizaciones, prometiendo la inminente visita de una delegación de indígenas mexicanos a varios países del mundo. Anunciaron que iniciarían su viaje a los cinco continentes con su visita a Europa.

El 22 de junio de 2021, el escuadrón marítimo zapatista llegó al puerto de Vigo en un velero, tras una travesía de cincuenta días por el Atlántico. Desde entonces, la delegación de siete miembros ha sido recibida por simpatizantes del movimiento en varias ciudades de España y Francia.  Sin embargo, su movimiento más simbólico e histórico fue participar en una manifestación en Madrid con motivo del 500 aniversario de la resistencia de los pueblos indígenas de México:

 

 ¡Apenas quinientos años después!

A las 19:00 horas de un caluroso día del verano madrileño, el sol de la "Puerta del Sol" ilumina un pequeño barco decorado con decenas de globos coloridos, símbolos de la diversidad de las lenguas y culturas indígenas de México. Un hermoso barco heredado de las luchas de los habitantes del barrio obrero de Vallecas en Madrid, quienes en 1981, entre las calles de la capital, soñaron con un puerto donde se anclaran sus demandas de “lo imposible” bajo la protección de la Virgen del Carmen, la patrona de los marineros.  Ahora, es la bandera del Ejército Zapatista de Liberación Nacional que baila en su mástil al viento.

 Poco a poco, a medida que se acercan las 20 horas, la cita para el comienzo de una gran manifestación que conmemora el 500 aniversario de la "conquista" de México por el Imperio español, la silueta de mujeres, hombres, niños y personas LGBT que vienen de toda Europa para marchar, va apareciendo en los adoquines calientes.

 Poco después, a la sombra del entusiasmo de los presentes por dar la bienvenida al Escuadrón 421, entre aplausos apasionados, sonido de caracol y gritos de "Viva Zapata", cuatro mujeres, dos hombres y unoa otroa, miembros del escuadrón, arriban y abordan el barco para que las calles que conectan Puerta del Sol con la Plaza Colón se conviertan en un río que ruge con las voces de quienes en voz alta dicen "no" al colonialismo, a la explotación, al capitalismo, a la violencia de género, a la destrucción del medioambiente, y a todo lo que causa muerte. Más de 1.500 personas acompañan el barco, que, a diferencia de las flotas coloniales de los siglos pasados, porta un mensaje en pro de la vida, un mensaje más allá de los grandes y pequeños dolores e iras de los individuos y organizaciones, un mensaje que trasciende las promesas y decisiones de los Estados y gobiernos y llama a una convivencia armonioso con el prójimo y con la Madre Naturaleza, un llamado que, lejos de los estereotipos pomposos del ecocapitalismo, nos recuerda con simples palabras el valor de vivir una vida digna, reconociendo la fragilidad, las fortalezas y debilidades de los que luchamos, advirtiéndonos que no sólo somos responsables de nuestra propia vida y la de nuestros familiares: también recae sobre nosotros el peso de la esperanza de las generaciones futuras.

 Alrededor de las 10 pm, la multitud llega a la plaza de Colón. Luego, las palabras de los siete indígenas, ataviados con patrones y colores heredados de sus antepasados, empalidecen el rostro de los colonialistas cuyos nombres están grabados en las piedras conmemorativas de la plaza. Esta pequeña pero poderosa delegación, a veces a solas y a veces al unísono, se dirige a su audiencia con palabras que hacen eco de sabidurías que  han nacido en el suelo de pequeños conocimientos y experiencias aparentemente insignificantes, y crecido en el clima de largos años de lucha comunitaria de los de abajo:

"... Quienes formamos el Escuadrón Marítimo Zapatista, y que nos conocen como el Escuadrón 421, hoy estamos frente a ustedes, pero sólo somos el antecedente de un grupo más grande.  Hasta 501 delegados.  Y somos 501 sólo para demostrarles a los malos gobiernos que vamos delante de ellos.  Mientras ellos simulan un festejo falso de 500 años, nosotros, nosotras, nosotroas, vamos ya en lo que sigue: la vida. ..."

 "... Tal vez a alguien le parezca que nos interesan los grandes actos y el impacto mediático, y así valoren los éxitos y fracasos.

  Pero nosotros hemos aprendido que las semillas se intercambian, se siembran y crecen en lo cotidiano, en el suelo propio, con los saberes de cada quien.

  El mañana no se gesta en la luz.  Se cultiva, se cuida y se nace en las sombras inadvertidas de la madrugada, cuando la noche empieza apenas a ceder terreno.

  Los terremotos que sacuden la historia de la humanidad empiezan con un “ya basta” aislado, casi imperceptible.  Una nota discordante a mitad del ruido.  Una grieta en el muro.»

 "...  Por eso es que no venimos a traer recetas, a imponer visiones y estrategias, a prometer futuros luminosos e instantáneos, plazas llenas, soluciones inmediatas.  Ni venimos a convocarles a uniones maravillosas.

  Venimos a escucharles.

  No será fácil, cierto.

  Somos tan diferentes, tan distintos, tan lejanos, tan contrarios y, sobre todo, tan contradictorios.

  Nos separan muchas cosas ..."

 "... de lo que hablamos las comunidades zapatistas es de una causa, de un motivo, de una meta: la vida.

  No se trata de abandonar convicciones y luchas.  Al contrario.  Pensamos que las luchas de mujeres, de otroas, de trabajadores, de originarios, no sólo no deben detenerse, sino que debieran ser más profundas y radicales.  Cada quien enfrenta una o varias cabezas de la Hidra.

  Porque todas esas luchas, de ustedes y de nosotros los pueblos zapatistas, son por la vida.

  Pero mientras no destruyamos al monstruo en su corazón, esas cabezas seguirán brotando y cambiando de forma pero con mayor crueldad…"

Colectivo  Andisheh va Paykar - Madrid, 14 de agosto de 2021

تقرير حول حوار أُجري مع عامل متعاقد في عسلوية:

من المنزل حتى المهجع
من المصنع وصولاً إلى الاضراب

في غرف تبلغ مساحتها عشرة أو خمس عشرة متر كانت مخصصة لاستراحة عشرة أشخاص ومجهزة بمكيف هواء من نوع النافذة طراز ۱۹۰۰۰ خائر القوى كان صوته يشبه صوت القطار،

mujeres-zapatistas.jpegFrauen* verändern die Welt- 8. März- Internationaler Frauen*Kampftag

03.03.2020- Frankfurt

Veranstallterinnen: Amara Kurdischer Frauenrat Frankfurt & Wemen Denfend Rojava - Frankfurt

- - - - - - - - -

Vom 27. bis 29. Dezember 2019 fand in Chiapas auf zapatistischem Gebiet das „Zweite Internationale Treffen der Frauen die kämpfen“ statt. Die Zapatisten kontrollieren im Bundesstaat Chiapas Gebiete, in denen sie sich vollständig autonom organisieren, keinerlei Interventionen des Staates akzeptieren, d.h. Verwaltung, Sicherheit, Bildung, Gesundheit, Justiz, Produktion, etc. sind in eigener Hand. Und seit einiger Zeit werden auch von NGOs initiierte und kontrollierte Projekte nicht mehr zugelassen.

Aufgerufen zum Treffen haben die zapatistischen Frauen. Das „Erste Internationale Treffen der Frauen die Kämpfen“ hatte im März 2018 stattgefunden mit 8000 Teilnehmerinnen aus 39 Ländern. Das Folgetreffen, das eigentlich für März 2019 geplant war, wurde kurz vorher abgesagt, weil die politische Situation und die Sicherheitslage ein solches Ereignis nicht erlaubten.

Im Dezember konnte das Treffen dann doch stattfinden. An 3 Tagen, vom 27. bis 29. Dezember 2019, waren alle Frauen die kämpfen, weltweit aufgerufen nach Chiapas in zapatistisches Gebiet zu kommen. Das Thema des Treffens war „Gewalt gegen Frauen“ und was dagegen zu unternehmen ist. Ein Tag sollte also den Anklagen gewidmet sein und ein Tag den Diskussionen wie man der Gewalt begegnen kann.

In dem Aufruf zum Treffen machen die Frauen klar, daß die Frauenmorde und das Verschwindenlassen von Frauen ungebremst weitergehen und daß sie dies als Folge des kapitalistischen und patriarchalen Systems sehen, dem man eine starke Organisierung entgegensetzen muß.

„Wir wollen also, daß du kommst und klar deine Anklage aussprichst. Nicht damit sie ein Richter, ein Polizist oder ein Journalist hört, sondern damit dich eine andere Frau hört, mehrere Frauen, viele viele Frauen, die kämpfen. Und so, Genossin und Schwester, ist dein Schmerz nicht allein, sondern er vereint sich mit anderen Schmerzen. Und aus so vielen Schmerzen, die sich vereinen, entsteht nicht nur ein großer Schmerz, sondern auch eine Wut, die wie ein Samenkorn ist. Und wenn diese Wut aufgeht in der Organisierung, dann werden Schmerz und Wut zu Widerstand und Rebellion und wir hören auf zu warten ob uns das Unglück erwischt und wir beginnen etwas zu tun, erst um die Gewalt gegen uns zu stoppen und dann um unsere Freiheit als Frauen zu erobern.“1

Der mexikanische Kontext, in dem das Treffen stattfand und aus dem die Mehrzahl der Frauen kamen, ist gekennzeichnet durch ein enormes Ausmaß an geschlechtsspezifischer Gewalt. Nach offiziellen Angaben werden in Mexiko täglich 10 Frauen ermordet, das ist durchschnittlich alle 2 ½ Stunden ein Mord. Nur ein Drittel davon werden als Femizide eingestuft und weit über 90% der Täter bleiben straflos. Damit gehört Mexiko mit Brasilien zu den Ländern mit den meisten Frauenmorden in Lateinamerika. Gleichzeitig gibt es allerdings seit einiger Zeit starke Mobilisierungen und auch militanten Widerstand mit der Beteiligung vieler junger Frauen.  

An diesem zweiten Frauentreffen haben ungefähr 4000 Frauen aus 49 Ländern und allen Kontinenten teilgenommen. Im Vorfeld war klar, daß keine Männer Zutritt haben, auch nicht - wie noch beim ersten Treffen - als Helfer für die Küche, Kinderbetreuung, Technik, Fahrer oder Sicherheit. Mitangereiste Männer mußten im 2 Kilometer entfernten Caracol verbleiben und das auch nur, wenn eine Frau die Verantwortung für sie übernommen hatte. Vom caracol aus haben dann die Zapatistinnen den Transport übernommen und vor Ort war alles in Frauenhand. Die Sicherheit für die anwesenden Frauen wurde von den Milizionärinnen (milicianas: sie bilden einen Teil der militärischen Struktur, werden aber nur im Bedarfsfall mobilisiert) organisiert. Eindrucksvoll haben die zapatistischen Frauen alles organisiert: An- und Abreise, Essen, Trinken, Schlafen, Abfall, Duschen, Toiletten, Gesundheit, Technik und Sicherheit.

Der erste Tag wurde eröffnet mit einer Rede der Kommandantin Amada.2 Einige wichtige Punkte, die die zapatistischen Frauen benannt haben, möchte ich daraus erwähnen:
    -    Aktuell besteht die größte Gefahr weltweit darin, Frau zu sein.
    -    Für die zapatistischen Frauen reicht es nicht, gegen Machismus und Patriarchat zu kämpfen, genauso muß auch gegen das kapitalistische System gekämpft werden. Denn beides geht Hand in Hand.
    -    Die Frauenrechte werden wir von niemandem geschenkt bekommen, weder von den Männern, egal ob sie gut oder schlecht sind und ebenso wenig vom kapitalistischen System. Alle unsere Rechte müssen wir uns erkämpfen, jederzeit und überall.
    -    Wir müssen uns unterstützen, uns schützen, uns verteidigen und am besten geht das wenn wir uns organisieren.
    -    Vielfalt ist keine Bedrohung​, sondern eine Stärke.

Der Aufruf zur Organisierung geht bei den Zapatisten dabei eigentlich niemals einher mit einem konkreten Vorschlag wie das jeweils zu tun sei und so war auch für das Treffen nur sehr wenig konkreter Rahmen abgesteckt.
Der erste Tag bot Raum für die Anklagen, die Berichte, das Offenlegen der verschiedenen Formen der Gewalt. Es gab ein offenes Mikrofon und jede konnte das Wort ergreifen. Mütter ermordeter und verschwundener Frauen, Organisationen der indigenen Frauen, Frauen aus der Landbewegung, Frauen aus dem Widerstand gegen neoliberale Großprojekte, ehemalige politische Gefangene, einzelne Frauen mit Gewalterfahrungen in der Familie, Schule, Uni oder Arbeitsplatz und viele viele mehr. Für viele Frauen war es das erste Mal, daß sie über ihre Erfahrungen öffentlich sprachen, daß ihnen geglaubt wurde und sie Solidarität erlebten. So viel Schmerz, aber auch so viel Wut und langer Atem im Widerstand und auf jeden Fall eine unendliche Solidarität der zuhörenden Frauen. Und immer wieder der gemeinsame Ruf „Du bist nicht allein!“ „Du hast keine Schuld!“
Die Anklagen, die eigentlich für den ersten Tag geplant waren, haben sich letztlich über die drei Tage erstreckt und wurden parallel zu den übrigen Aktivitäten fortgeführt.

Am zweiten Tag ging es um Wege gegen die Gewalt, hier fanden sich mit einigen Schwierigkeiten Arbeitsgruppen zusammen zu verschiedenen Themen: Frauen mit Behinderung, Abtreibung, Gesundheit, LGBTTI, Bildung, verschiedene Formen der Kämpfe und vieles mehr. Viele dieser Diskussionen sind über den Austausch nicht hinausgekommen und die Einschätzung daraus war u.a., daß unsere organisatorischen Strukturen und Möglichkeiten aktuell nicht ausreichend sind, um dem Ausmaß an Gewalt gegen Frauen zu begegnen.

Der 3. Tag war der Kultur und dem Ausdruck der Stärke und Vielfalt gewidmet mit Musik, Tanz, Theater, Workshops, Selbstverteidigung.
Am Abend dann die Schlussworte der zapatistischen Frauen.3 Darin wurden 3 grundlegende Vereinbarungen vorgestellt und von den anwesenden Frauen akzeptiert:

„1. Dass wir alle Vorschläge machen und  Vorschläge kennenlernen, zum Thema der Gewalt gegen Frauen. Vorschläge um die Gewalt gegen Frauen zu stoppen.

2. Wenn irgendeine Frau in irgendeinem Teil der Welt, egal welchen Alters, welcher Hautfarbe auch immer, um Hilfe bittet, weil sie gewaltsam angegriffen wird, antworten wir auf ihren Ruf und suchen die Art und Weise ihr zu helfen, sie zu beschützen und zu verteidigen.

3. Dass jede Gruppe, Kollektiv und Organisation von Frauen die kämpfen, die sich für gemeinsame Aktionen koordinieren möchten, Wege der Kommunikation austauschen, sei es per Telefon oder Internet oder wie auch immer.
Wir schlagen vor, dass diese gemeinsame Aktion der Frauen, die auf der ganzen Welt kämpfen, am kommenden 8. März 2020 sein soll.
Wir schlagen vor, dass an diesem Tag jede Organisation, Gruppe oder Kollektiv, macht, was sie für das Beste halten.
Und dass wir alle die Farbe oder das Zeichen tragen, welches uns identifiziert, je nach der jeweiligen Idee und Art und Weise.
Aber laßt uns alle eine schwarze Schleife tragen, als Zeichen des Schmerzes und Leids über all die verschwundenen und ermordeten Frauen weltweit.
Um ihnen so zu sagen, in allen Sprachen, allen Geografien und allen Kalendern:
Dass sie nicht alleine sind.
Dass sie uns fehlen.
Dass wir sie vermissen.
Dass wir sie nicht vergessen.
Dass wir sie brauchen.
Weil wir Frauen sind, die kämpfen.
Und wir uns nicht verkaufen, nicht ergeben und nicht aufgeben.“

Das ist der weltweite Aufruf für Aktionen am 8. März. Und am 1. März 2020 haben die zapatistischen Frauen der EZLN ebenfalls verkündet, daß sie sich dem Nationalen Frauenstreik in Mexiko am 9. März 2020 anschließen.4

 

به فارسی:

گزارشی از «دومین همایش بین‌المللی زنانی که پیکار می‌کنند»

http://peykar.org/zapatists/1124--l-r-.html


----Frauen-Frankfurt2020.jpg
1 http://enlacezapatista.ezln.org.mx/2019/09/19/convocatoria-al-segundo-encuentro-internacional-de-mujeres-que-luchan/
2 http://enlacezapatista.ezln.org.mx/2019/12/27/palabras-de-las-mujeres-zapatistas-en-la-inauguracion-del-segundo-encuentro-internacional-de-mujeres-que-luchan/
3 http://enlacezapatista.ezln.org.mx/2019/12/31/palabras-de-las-mujeres-zapatistas-en-la-clausura-del-segundo-encuentro-internacional-de-mujeres-que-luchan/
4 http://enlacezapatista.ezln.org.mx/2020/03/01/no-necesitamos-permiso-para-luchar-por-la-vida-las-mujeres-zapatistas-se-unen-al-paro-nacional-del-9-de-marzo/

STAATLICHE REPRESSION UND GESELLSCHAFT

29. Jahrestag der Massenhinrichtungen im Iran

Frankfurt, 22.11.2017

Ich bedanke mich für die Einladung bei dieser Veranstaltung zum 29. Jahrestag der Massenhinrichtungen im Iran zu sprechen.

Ich möchte Überlegungen mit euch teilen, zum Thema politische/staatliche Repression, ihren Mechanismen, Auswirkungen auf die Gesellschaft und das Kollektiv und Überlegungen zum Erinnern.

Staatliche Repression ist ein Thema, das mich seit vielen Jahren persönlich, politisch und beruflich bewegt und begleitet. Wie es der Zufall will, habe ich 2006 erstmals auf einer solchen Veranstaltung hier in Frankfurt gesprochen, damals zum 18. Jahrestag der Massenhinrichtungen. Mein Thema war: Sexuelle Folter und kollektiver Widerstand am Beispiel Mexiko – San Salvador Atenco. Damals habe ich über den Kampf der im Mai 2006 verhafteten und gefolterten Frauen gesprochen, die nach diesen schrecklichen Erlebnissen den Mut hatten, öffentlich über ihre sexuelle Folter zu sprechen, die Verantwortlichen zu benennen und den langen Weg vor Gericht zu gehen – nicht aus Vertrauen in die juristischen Institutionen oder aus Vertrauen in eine Gerechtigkeit, die vom Staat kommt, sondern aus der Überzeugung heraus, daß man nicht schweigen darf. Letzte Woche, 11 Jahre später, ist der Fall vor dem Interamerikanischen Gerichtshof für Menschenrechte verhandelt worden, die Frauen haben dort ihre Anklage erhoben, sie haben ihre Geschichte nochmals erzählt, alle Beweise wurden nochmals aufgerollt und es wird endlich eine Verurteilung des mexikanischen Staates geben. Aber es waren 11 lange Jahre, 11 Jahre, die vergangen sind von dem Tag, an dem sie gefoltert wurden bis zum heutigen Tag, an dem sie vor dieser Instanz sind, an dem sie diese Form der Gerechtigkeit erhalten werden. Die Frauen haben in diesen 11 Jahren vielfältige Widerstände überwunden, haben direkten und indirekten Bedrohungen und Anfeindungen getrotzt, alle Angebote des Staates – und es gab viele: freundliche und unfreundliche - auf eine außergerichtliche Lösung oder Abfindungen abgelehnt und immer wieder betont, daß es um die ernsthafte Aufklärung, um die Bestrafung aller direkten und indirekten Verantwortlichen, daß es um ihre Würde geht.

Und so froh mich das macht, daß nach so langer Zeit zumindest diese Form der Gerechtigkeit erlangt wurde, was sind 11 Jahre gegenüber 29 Jahren, 40 Jahren, gegenüber all den Ewigkeiten, die Menschen warten müssen auf eine Gerechtigkeit, die möglicherweise niemals kommen wird.

Ich verneige mich vor all den mutigen Frauen und Männern, die in verschiedenen Jahrhunderten auf verschiedenen Kontinenten für Gerechtigkeit, Freiheit und Gleichheit gekämpft haben und kämpfen und dabei die eigene Sicherheit und das eigene Leben aufs Spiel gesetzt haben.

Repression ist nicht beschränkt auf die sogenannten autoritären Regime oder Diktaturen. In den letzten Jahrzehnten konnten wir weltweit – und auch in Europa – die zunehmende Militarisierung und die repressiven Dynamiken, die damit einhergehen, beobachten. Auch in den sogenannten demokratischen Staaten ist die Repression von Seiten der Polizei, des Militärs, der Justiz, der Gefängnisse keine Ausnahme. Die verschiedenen Methoden der Repression reichen von Einschränkungen der Grundrechte auf Meinungs- und Versammlungsfreiheit, Polizeigewalt bei Demonstrationen, Strafverfolgung, Gefängnis, bis hin zu Folter, Verschwindenlassen und Hinrichtungen. Ob und in welchem Maße sie zum Einsatz kommt, ist keine Frage davon, ob es sich um ein autoritäres Regime oder eine sog. Demokratie handelt, sondern ist nur abhängig vom aktuellen Kräfteverhältnis in der Gesellschaft, dem Ausmaß des sozialen Widerstandes und der Einschätzung des Staates welche Gefahr von diesem genau in diesem Moment ausgeht. Repression ist immer eine Option und wird von allen Staaten durchgängig und durch alle Jahrhunderte angewandt. Auf jeden Fall dient sie der Herrschaftssicherung, der Stabilisierung bestehender Machtstrukturen und der Durchsetzung politisch-wirtschaftlicher Interessen der Herrschenden. Solange es ein ausbeuterisches System gibt, das auf Ungleichheit und Dominanz einer Gruppe über die andere basiert, wird es staatliche Repression geben und der Blick in die Geschichte zeigt die Kontinuität der repressiven Strategien. Wenn wir Folter und Hinrichtungen als Beispiele für die grausamsten und zerstörerischsten Formen der Repression nehmen: die Kreuzigungen des Römischen Reichs all derer die sich gegen ihr Imperium auflehnten; die Inquisition, die jegliche Gedanken verfolgte, die von der herrschenden Lehre abwichen; die spanische Conquista im amerikanischen Kontinent; die Gräueltaten der Briten in ihren Kolonien; der Genozid der Nazis an Sinti und Roma, Juden, Homosexuellen, Kommunisten; die französische Barbarei in Algerien; die Diktaturen in Lateinamerika und weltweit unterstützt und getragen durch die USA, Europa und transnationale Konzerne. Und wir könnten die Liste noch um einiges ergänzen...

Aber auch hier im Herzen von Europa: die Isolationshaft, ist ein deutsches Produkt. Die Zwangsernährung von Hungerstreikenden, die Polizeigewalt bei Demonstrationen, die Haftstrafen gegen Menschen, die in Hamburg beim G20 Gipfel demonstriert haben, usw. usw.

Die Repression kristallisiert sich im Einzelnen, der Angriffspunkt der Repression ist der Einzelne. So soll die Folter unermeßlichen körperlichen und psychischen Schmerz erzeugen. Sie soll die Persönlichkeit, die Identität des Gefolterten brechen, seine Überzeugungen auslöschen, ihm das Gefühl des Menschseins, den eigenen Willen und seine Würde rauben. Um ihn dann als gebrochenen Menschen zurückzulassen, abschreckendes und demoralisierendes Beispiel für alle, die möglicherweise ähnliche Ideen oder Aktivitäten an den Tag legen oder legen könnten.

Staatliche Repression in all ihren Formen ist aber niemals nur gegen den einzelnen gerichtet, sie hat immer auch das soziale Umfeld, die politische Bezugsgruppe sowie die Gesellschaft als ganzes im Blick. Das übergreifende Ziel der Repression ist, die Strukturen, die Organisierungen, die Bewegungen und letztlich die Gesellschaft als ganzes zu treffen.

Denn wenn Repression dazu dient, die Macht einer Gruppe, einer Klasse, zu erhalten, dann muß man die gesamte Gesellschaft dominieren. Es reicht nicht, Einzelne zu dominieren, es geht um alle.!

Der Einsatz von Pfefferspray oder Schlagstöcken bei einer Demonstration, die Prozesse, Isolationshaft, etc. trifft einzelne, gemeint sind wir aber stets alle. Und natürlich macht es etwas mit uns allen, wenn wir die Bilder der massiven Gewalttaten der Polizisten in Hamburg sehen. Auch wenn wir nicht dort waren, läßt uns das nicht kalt und das nächste Mal wenn wir uns überlegen, zu einer Demonstration zu gehen oder nicht, dann haben wir natürlich auch genau diese Bilder im Kopf.Das Ziel der staatlichen Repression zielt also sowohl darauf ab, die Überzeugungen des einzelnen zu zerstören, aber genauso geht es darum, kollektive Prozesse zu verhindern oder aufzuhalten. Das wird aufgegriffen in dem Satz: Wenn es einen von uns trifft, trifft es uns alle!

Jeder Prozess der Organisierung gegen bestehende Mißstände ist verbunden mit der Entstehung eines sozialen solidarischen Netzwerkes, eines kollektiven Prozesses und einer gemeinsamen Praxis. Diese kollektiven Prozesse geben uns Kraft und Stärke und sie erzeugen eine Einheit zwischen uns. Und genau diese kollektiven Prozesse, die Stärke und Einheit, die Solidarität unter uns, wird vom Staat gefürchtet und genau dagegen versucht er sich zu wehren.

Die Grausamkeiten gegen einzelne sollen auch alle anderen einschüchtern, lähmen, verunsichern und demoralisieren. Wie funktioniert das?Die Machtdemonstration des Staates schürt die Angst vor staatlicher Repression in uns allen. Die Angst daß einem das gleiche Schicksal droht, wird hier zu einem wichtigen Faktor der Kontrolle der Gesellschaft. In den Zeiten systematischer Repression kenn jeder jemandem, dem so etwas schon passiert ist, kenn jeder eine Familie, die einen Gefangenen, einen Gefolterten, einen Hingerichteten hat. Das bedeutet, die Angst ist für jeden spürbar und ergreift damit die gesamte Gesellschaft.

Gleichzeitig zu diesen direkten Mechanismen, die Angst machen, läuft die Propagandamaschine auf Hochtouren: der öffentliche Diskurs rechtfertigt die repressiven Maßnahmen mit der Verteidigung der inneren Sicherheit. Dafür müssen wir auch nicht bis in die Diktaturen zurückschauen, wir sehen das genauso in der Demokratie. Die Benutzung von Begriffen wie Subversive, Kommunisten, Gewalttäter, Radikale, Ungläubige, Vaterlandsverräter, etc. dienen dazu, die Repression zu rechtfertigen, die Opfer der Repression zu isolieren und letztlich zu suggerieren, daß sie die Schuld an dem repressiven Vorgehen des Staates tragen. Im öffentlichen Diskurs ist der Schwarze Block immer selbst schuld daran, daß er angegriffen und geschlagen wird. Und auch der Diskurs in den lateinamerikanischen Diktaturen drehte sich darum, daß die Staaten sich vor dem inneren Feind schützen müssen.

Alle diese Mechanismen gehören zu dem Konzept der psychologischen Kriegsführung.

Ein drittes wichtiges Element in der Strategie der Repression ist die Straflosigkeit. Die systematische Straflosigkeit der Verantwortlichen für die Verletzung der Grundrechte, der Menschenwürde oder Verbrechen gegen die Menschlichkeit zementiert die Machtverhältnisse und demonstriert die Unangreifbarkeit der Mächtigen.

Mit diesen Überlegungen wollte ich zeigen, in welcher Form und mit welchen Strategien die systematische staatliche Repression gegen Widerstand und Organisierung einen Einfluß auf die gesamte Gesellschaft hat.

Staatliche Repression will auslöschen: Überzeugungen, Organisierungen, Kampf, Widerstand. UND zusätzlich soll die Erinnerungen daran aus dem kollektiven Gedächtnis gelöscht werden.

Auch deshalb beinhaltet der Widerstand und Kampf gegen die Repression die Erinnerung an all jene, die in diesem Kampf ihr Leben gelassen haben. Bei der Erinnerung geht es nicht darum, an die Repression zu erinnern, obwohl es sich manchmal so anhört. Wenn wir Jahrestage begehen, dann sagen wir oft, wir begehen den 10. Jahrestag der Massaker, der 10. Jahrestag der Folterungen oder der 10. Jahrestag der Hinrichtungen. Aber unsere Erinnerung muß die Erinnerung an die Menschen sein. Es muß die Erinnerung an ihre Kämpfe sein. Es muß die Erinnerung an ihre Träume sein und die Erfolge, die sie in ihren Kämpfen gehabt haben. Sonst ist es keine Erinnerung, sondern wir tun dem Staat einen Gefallen.

Wir wollen, daß die Menschen in unseren Erinnerungen und unseren Aktionen weiterleben, nicht als Opfer sondern als Akteure, als Menschen, die ihr Schicksal in die eigene Hand genommen haben, die das Risiko vor Augen hatten und bereit waren, ihr Leben aufs Spiel zu setzen.

Wenn das die Grundlage ist für unsere Erinnerung, dann wird Erinnerung zur politischen Aktion.

Dann wird Erinnerung zu einem Akt des politischen Widerstands.

Dafür muß aber Erinnerung ein kollektiver Prozess sein. Ein kollektiver Prozess bedeutet Verbindung zwischen uns zu schaffen und zwischen uns entstehen zu lassen.

Erinnerung muß eine Würdigung der Überzeugungen und des Kampfes der Gestorbenen sein. Deshalb kann Erinnerung niemals nur etwas mit der Vergangenheit zu tun haben. Erinnerung muß sich immer auch auf die Gegenwart beziehen.

Ich bin überzeugt davon, daß Erinnerung an KämpferInnen, auch wenn sie vor vielen Jahren gefallen sind, immer auch die Verbindung herstellen muß zu den Kämpfen, die wir heute führen. Wir, die uns heute erinnern, aber wir, die wir heute leben und kämpfen. Eine solidarische und kollektive Erinnerung bedeutet damit auch, sich auf die heutigen Opfer der Repression zu beziehen und in die heutigen Kämpfe einzugreifen. Wenn wir das schaffen, dann sind wir dem Ziel der Repression tatsächlich entgegengetreten und dann macht uns die Repression nicht schwach, sondern sie hilft uns dabei, stark zu bleiben.

In diesem Sinne könnte ein 30. Jahrestag vielleicht nicht der 30. Jahrestag der Massaker sein, sondern der Jahrestag der Träume, der Kämpfe, des Widerstands all derer sein, die heute nicht mehr da sind.

 

Vielen Dank.

Je suis l’un des animateurs d’EuroPalestine, une association créée il y a quinze ans, lorsque, comme pour pas mal d’autres amis du peuple palestinien, le mirage des accords d’Oslo et du prétendu ‘processus de paix’ s’est dissipé, et que nous avons constaté ce qui aurait dû être une évidence, à savoir qu’Israël n’avait jamais eu l’intention de faire de concessions, même de manière limitée, au mouvement de libération nationale du peuple palestinien.

Nous avons fait la connaissance de Torab quelque temps après, vers 2005 si ma mémoire ne me trahit pas. Torah nous a longuement expliqué sa trajectoire militante, en insistant sur le fait que tout en étant bien entendu investi dans la situation et la lutte en direction de l’Iran, il avait toujours considéré la Palestine comme un enjeu majeur pour tout internationaliste conséquent, ce qu’il était au plus profond de lui-même.

A EuroPalestine, où il participait régulièrement aux manifestations de rue et réunions organisées à la librairie Résistances, tous ceux qui l’ont fréquenté ont pu apprécier sa curiosité permanente pour les affaires de Palestine, et se grande générosité, bien que celle-ci fut dispensée en toute discrétion.

J’ai le vif souvenir de cette journée de septembre 2009, où nous étions partis à plus de 100, de France et de Belgique, accompagner la jeune Gazaouie Amira al Karem, terriblement blessée par les bombardements israéliens du début de l’année (l’opération dite « Plomb Durci », qui fit plus de 1.400 morts dans la population palestinienne), pour porter plainte contre l’Etat d’Israël auprès de la Cour Pénale Internationale à La Haye (Pays-Bas).

Ce fut un voyage éprouvant pour Torab puisque la police hollandaise, probablement orientée par les services israéliens, bloqua nos autocars pendant plus d’une heure, exigeant de voir les papiers de chacun des passagers. Par mesure de prudence, Torab dut s’éclipser, et on lui raconta le reste de la journée une fois rentrés à Paris.

La suite, vous la connaissez malheureusement. Quelque temps après, la maladie commença à s’installer. Torah continua néanmoins chaque fois qu’il le put de venir à nos réunions, et ce jusqu’à son hospitalisation à Limeil-Brévannes.

Habib, en m’annonçant la triste nouvelle,  m’a appris que le soir même précédant son décès, Torab travaillait encore à la traduction d’un papier sur le mouvement de boycott d’Israël, et sa répression par le gouvernement français.

Nous tâcherons pour notre part d’être fidèles à ta mémoire, Torab, en poursuivant la lutte contre le colonialisme et l’apartheid.

Merci à tous.

Nicolas Shahshahani

C’est avec beaucoup de tristesse que j’ai appris le décès de Torab, que je considérais à la fois comme un camarade et un ami.

J’ai rencontré Torab pour la première fois il y a près de quinze ans, dans les cercles intellectuels marxistes de Paris à l’époque où j’y résidais comme lui. Il avait veillé à ce que mon ouvrage de 2002, Le Choc des barbaries, soit traduit en farsi.
Nous avions eu plusieurs rencontres depuis lors, toujours conviviales. Torab était un personnage d’une grande affabilité, comme peut le confirmer quiconque l’a personnellement connu.
C’était aussi un homme de grande culture, mais d’une culture que sa modestie, tout aussi grande, cachait soigneusement. J’étais particulièrement fasciné par sa connaissance exceptionnelle de la théologie islamique et lui ai souvent exprimé mon vif souhait qu’il écrive sur ce sujet, sur lequel très peu de penseurs marxistes ont la culture qu’il avait.
J’espère qu’il a laissé des écrits destinés à publication posthume.
Torab n’est plus, mais son souvenir est impérissable.
Gilbert Achcar

 


پیام ژیلر آشکار
با اندوه فراوان خبر درگذشت تراب را دریافت کردم. او برای من، هم رفیق و هم دوست بود.
برای نخستین‌بار نزدیک به 15 سال   پیش در کانون های روشنفکران مارکسیست با تراب آشنا شدم. او با توجه فراوان امکان انتشار  ترجمه‌ی فارسیِ کتاب «جدال دو توحش» را میسر ساخت. ​
بعدها، ما چندین بار دیدارهای صمیمانه داشتیم. تراب شخصیت توانائی بود و همه کسانی که او را می شناختند، حتما آن را گواهی خواهند کرد. او مردی بسیار با فرهنگ بود. اما فروتنی او که همان‌قدر بزرگ بود، به دقت ان را می پوشاند.. من شیقته شناخت استثنائی او از الهیات اسلامی شدم و همواره از او می خواستم که در مورد این موضوع بنویسد. کمتر اندیشمند مارکسیستی، از چنین فرهنگی برخوردار بود.
امیدوارم که از او نوشته های دیگری مانده باشد که پس از مرگش  منتشر شوند.
او در میان ما نیست، اما خاطره‌اش فناناپذیر است.
ژیلبر آشکار
4 فوریه 2016

ژیلبر آشکار: روشنفکر لبنانی-فرانسوی، جامعه شناس، اندیشمند مارکسیست، پژوهشگر مسائل بین‌المللی، استاد مطالعات شرقی و آفریقا در دانشگاه لندن، مولف آثار بسیار مانند «جدال دو توحش»، «جنگ سرد نوین»، «مارکسیسم، ارپانتالیسم، کُسموپولیتیسم»، «انبار باروت خاورمیانه» (با نوام چامسکی).

Á la mémoire de Torab Hagh Shenas
De la part d’Actuel Marx
Paris, le 5 février 2016


Je tiens, au nom de la revue Actuel Marx, à saluer la mémoire de notre camarade Torab Hagh Shenas, une grande figure de la lutte pour l’émancipation humaine du XXe au XXIe siècle.
Nous saluons une vie toute entière engagée dans les tâches politiques et culturelles de la libération des peuples, au grand carrefour du Moyen-Orient, au cœur de la tourmente, dans une perspective universelle. Nous saluons sa haute stature de dirigeant politique révolutionnaire, sa capacité à mobiliser ses camarades dans une résistance sans faille contre les régimes successifs du Shah puis des Ayatollas. Son courage devant les vagues successives de répression. Sa lucidité aux moments décisifs. Sa persévérance en dépit des revers successifs. Et sa conviction, communicative, que de ces combats perdus, naîtront pourtant, parce qu’ils ont été menés jusqu’au bout, de nouvelles espérances, et qu’ils fourniront des repères pour l’avenir.
Nous l’avons régulièrement rencontré lors de nos colloques, auxquels il prenait une part active avec les camarades qui l’entouraient, et à travers les échanges auxquels donnaient lieu ses traductions de textes de philosophes et de chercheurs marxistes. C’était pour nous une fierté. Il poursuivait, dans cet exil, le travail théorique et idéologique qui était le sien depuis le commencement, incessament poursuivi au milieu des luttes et des dangers. Il avait profondément compris les bouleversements du monde, et la nécessité de reprendre la cause des classes et des peuples opprimés sur des bases nouvelles. Jusqu’au bout il aura été à l’avant-garde.
Nous avons apprécié sa modestie, sa simplicité, la fraternité charismatique qui émanait de lui. Nous nous associons à la peine de ses camarades, que nous assurons de toute notre solidarité.

Jacques Bidet

 

از طرف اَکتوئِل مارکس

پاریس، ۵ فوریه ۲۰۱۶

درود ما معطوف به حیاتی مملو از تعهد است که با چشم اندازی جهانشمول، خود را تماماٌ  وقف وظایفِ سیاسی و فرهنگی در راه رهایی خلق ها  نمود، آنهم در تقاطع بزرگ خاورمیانه و شرایط  پر تشنج و تنش آن.
 درود بر قدرت و کفایتِ رهبریِ سیاسی و انقلابی اش، بر توانایی بسیج رفقایش در مقاومتی بی تزلزل، علیه رژیم شاه و سپس رژیم آیت الله ها، بر شهامت اش در برابر امواجِ متواتر سرکوب، بر روشن بینی و قاطعیت اش در لحظات تعیین کننده،  بر پشتکارش علیرغم ناسازگاری های مکرر.
درود بر اعتقاد راسخ او که به دیگران نیز سرایت می کرد و از آنجا که او مبارزاتش را تا به آخر پیش می برد، همچون ققنوس از بستر خاکستر نبردهای مغلوب، امیدهایی نوین دوباره زاده خواهد گشت که معیار و شاخصهایی برای آینده فراهم خواهند نمود.
 ما با تراب حق شناس بطور مرتب در کنفرانس های اکتویل مارکس دیدارو تبادل داشتیم ؛ او و رفقایش، که همواره  گرد او بودند، در جریان این کنفرانس ها به نحوی بسیار فعالانه حضور داشتند. فعالیت و تبادلاتی که به ترجمه هایش از متون فلاسفه و محققین مارکسیست منتهی شد. این برای اکتویل مارکس افتخاری بزرگ بود. تراب  دراین تبعید، نه تنها کارنظری وایدئولوژیکی را که ازهمان آغازفعالیت پیش گرفته بود، دنبال می کرد ، بلکه انها را پیوسته درمیان مبارزات و خطرات ادامه داد. او عمیقا بر تحولات جهان اشراف داشت و نیاز به از سرگیری آرمان طبقات و خلق های ستمدیده را،  بر پایه هایی نوین، بخوبی درک کرده بود. او تا پایان عنصری پیشرو  و متقدم باقی ماند.
ما ارزش تواضع و سادگی او را به خوبی دانستیم  و احساس برادری خاصی ​را که از این شخصیت جذاب می تراوید حس می کردیم.
 ما خود را در غم و رنج رفقایش شریک میدانیم وهمبستگی مان را با آنان ابراز میداریم.

ژاک بیده
 اکتوئل مارکس

 

چطور می توان گفت به ما مربوط نیست؟ چطور می توان سرکوب روزانه و مستمر ملتی را نادیده گرفت؟

"ما مرغهای طوفان آینده ایم" – لولا لافون نویسندهء فرانسوی

از انجمن همبستگی سوسیالیستی با کارگران در ایران
یک بررسی به زبان انگلیسی از فریدا آفاری در باره ی ترجمه فارسی کاپیتال - به قلم حسن مرتضوی
به نقل از سایت ایرانیان

ضربة خامنه ئي علی الاصلاحیین:

خطوة هامة نحو الغاء الجمهوریة

و اقامة »الحكم الاسلامي« في ایران!

 

تراب حق شناس

منذ سنوات و الصراع علی السلطة یشتد حینا و یهدأ حینا، الا أن هذا الصراع بما له من أهمیة حیویة لمصیر النظام ككل یقترب الی نقطة الانفجار. والرهان بجمیع ابعاده لیس بسیطاً یمكن إخفاؤه بمصالحة بین الطرفین كما حاول الخمینی مراراً عن طریق فتاویه و اوامره بالوحدة »المقدسة« في مواجهة الاعداء في الخارج او الداخل. القراءات المختلفة للاسلام و استیعاب »الجمهوریة الاسلامیة« كنظام سیاسي، كان سبباً في شن الحملات من هذا الطرف علی ذاك و أیام الهدوء النسبي بین الطرفین هي أیام الحرب الشرسة (عامي 80 و 81) علی المعارضة الیساریة التي أودت بحیاة عشرات الالاف من المثقفین و الشباب - و كذلك سنوات الحرب مع العراق خاصة في بدایتها. اما فیما یخص القضایا الاخری فقد كانت توجد دائماً صراعات و خلافات بین أجنحة النظام من جهة و بین النظام و فئات الشعب المتطلعة الی حیاة أفضل من جهة اخری. و نقطة الضعف هذه تجیئ من نقطة قوة النظام ألا و هي نظریة ولایة الفقیه الدخیلة حسب رأي البعض علی الفقه الشیعي.

طرح الخمیني هذه النظریة في حلقات دروسه بمدینة النجف عندما كان منفیاً هناك و بعد أن نقل بعض طلبته الكلام المسجل الی الكتابة، نشر في كتاب في اواخر الستینات بعنوان »حكومت اسلامی« (الحكومة الاسلامية). و جدیر بالذكر أن الكتاب قبل نشره كان ملیئاً بتعابیر مهترئة لاتناسب اوساط المثقفین و المعارضة. فقام احد معارضي نظام الشاه آنذاك الذي كان قریباً من الخمیني و تلامیذه في العراق، باعادة كتابة الدروس باسلوب اكثر قبولاً في اوساط المعارضة و طبع الكتاب الا أن الخمیني لم یرضَ بالتغییرالذي أُدخل علیه و أمر بتدمیر جمیع نسخ الكتاب و رمي جمیعها في الفرات و بعد هذا الحادث طُبع الكتاب من جدید في بیروت. الا أن أولویة النضال ضد نظام الشاه صرفت انتباه المعارضة عن خطورة مقولة ولایة الفقیه و تناقضها الكامل مع الدیمقراطیة التي كان الجمیع یتطلع الیها. فالهدف الاساسي للمعارضة الدینیة او الیساریة لم یكن الا اسقاط نظام الشاه، اما التفكیر في البدیل كان بعیداً جداً عن اهتمامات الناس. و هذا خطأ قاتل سببه التخلف الفكري السائد في اوساط المعارضة و دكتاتوریة الشاه التي لم تكن تسمح یوماً بالنقاش الحر للبدائل.

سقط الشاه في فبرایر 1979 و لكن الخمیني و أنصاره لم یكونوا یجرأوا بعد علی طرح  ولایة الفقیه كنظام بدیل للملكیة. فالمجلس النیابي الاول لم یوصف في البدایة ب »الاسلامي« (بل مجلس الشوری الوطني) و كذلك القضاء و الجامعة ... إلا أن »أسلمة« المؤسسات تمّت تدریجیاً حسب »مخطط« لم یكن علی الأرجح مقبولاً حتی من رجال الدین الخمینیین أنفسهم. فبعض الكبار من رجال الدین أمثال آیة الله شریعت مداري الاهم فقهیاً و الاقدم من الخمیني كان ضد ولایة الفقیه و كذلك آیة الله كُلبایكاني و آیة الله ابوالفضل زنجاني و آیة الله محمود طالقاني ذي الشعبیة الواسعة. إلا أن الخمیني سحق الجمیع و أزالهم من طریقه بعد ترسخ أقدامه.

اما في الاطار السیاسي فقد كان مهدي بازركان رئیس حركة تحریر ایران المعارضة اللیبرالیة الذي عینه الخمیني رئیساً للوزراء یرفض ولایة الفقیه لكنه كان یبرر سكوته عنها بالقول »أن ولایة الفقیه زي خیط علی قامة الخمیني فقط«. و قد نشرت حركة تحریر ایران بعد عزل بازركان كتاباً یدحض فیه نظریة ولایة الفقیه. و ابوالحسن بني صدراول رئیس للجمهوریة الاسلامیة الذي كان الخمیني یسمیه »ابنه الروحي«، هو أیضاً لم یقبل عملیاً بولایة الفقیه أي سیطرة رجال الدین علی جمیع مقالید السلطة. و كان عدم قبول ولایة الفقیه سبب الصراع بین حكومة بازركان و رجال الدین الذي أدی الی اسقاطه بعد 9‏ أشهر من الحكم. و كذلك بین بني صدر و حزب الجمهوریة الاسلامیة.

فشعار حزب الله الذي رفعه خلال أكثر من 20 سنة في مواجهة أي تحرك شعبي أو إصلاحي هو »مرگ بر ضد ولایت فقیه« (الموت لمعارضي ولایة الفقیه) مهّد الطریق لإسكات أي صوت ینتقد شیئاً یمس جوهر دكتاتوریة الفقیه و آخر حلقة من حلقات هذا الصراع كان من نصیب الاصلاحیین. فبالرغم من قبولهم بالدستور الذي ینص باولویة ولایة الفقیه و إذن بولایة الفقیه المطلقة، إلا أن المتشددین یأخذون علیهم عدم اعتناقهم الصادق بهذه النظریة. فالمتشددون الذین من مصلحتهم استمرار النظام تحت  سیطرة رجال الدین و الذین یحتفظون بالقضاء و الجیش و الحرس الثوري و اموالاً هائلة و مؤسسات كبیرة تسیطر كل واحدة منها علی المئات من المعامل و المصانع و محلات تجاریة یشنون كل یوم حملات ضد الاصلاحیین و یزرعون في طریقهم ألغاماً تشل حركتهم. منذ اكثر من ثلاث سنوات و حركة اصلاح النظام من داخله التي یحاولها خاتمي مشلولة تماماً أدی الی انخفاض شعبیته و یأس الجماهیر المغلوبة علی أمرها من أي اصلاح ظنوا - في غیاب أي بدیل آخر - أنه قد یتم من داخل النظام.

ان التناقض الحاد بین الدیمقراطیة و فكرة ولایة الفقیه التي یشبّهها الخمیني بولایة العاقل علی المجانین و الاطفال، أي الشعب في نظره قاصر لابد من فرض الوصایة علیه كالمجانین و الاطفال، هو السبب الاساسي لكل هذه الصراعات المتواصلة. فالاصلاحیون لهم قراءتهم للاسلام و یذهبون بعیداً في تأویلاتهم للنص لیصلوا الی نوع من المصالحة بین الاسلام و الحداثة و الدیمقراطیة الا أن میزان القوی لیس في صالحهم. فالمتشددون لهم أجهزتهم الامنیة التي لاتتورع عن الاقدام بأي عمل من شأنه اسكات و تصفیة المعارضین من اغلاق الصحف و منع التجمعات، الی الاغتیالات ...، و القضاء الذي یسیطر علیه المحافظون كلیاً یقوم باعتقال و سجن المعارضة و تبرئة الجناة كما حصل فی حادث الهجوم علی الطلاب تموز (یولیو) 1999 و ادانة الطلاب المضروبین یذكّر بمقولة شاعرنا سعدي الشیرازي: »انظروا الی هؤلاء الجناة الذین أطلقوا زمام الكلاب و حالوا دون اقتلاع الضحایا الحجارة«.

یمكننا القول باختصار إن تجربة »ولایة الفقیه« التي كابدها الایرانیون لا مثیل لها في التاریخ الاسلامي. هذه التجربة المریرة أوصلت العدید من رجال الدین الی اعادة النظر في جدوی و صحة هذه النظریة علی رأسهم آیة الله حسین علی منتظری الذي كان من منظّري ولایة الفقیه و كان الخمیني قد عینه خلیفة له، الا أنه الیوم یعارض نظریة ولایة الفقیه المطلقة.

الحلقة الاخیرة للصراع هي رسالة خامنه ئي الی المجلس النیابي (الذي یسیطر علیه عددیاً الاصلاحیون) لمنعه من مناقشة اصلاح قانون المطبوعات و الصحف الذي تم بموجبه إغلاق 24 صحیفة و الذي كان الاصلاحیون في معركتهم الانتخابیة یؤكدون أنه سیكون أول موضوع سیناقش في المجلس. و الطریف أن رئیس المجلس مهدي كرّوبي، صرّح في بدایة الجلسة أن النقاش حول قانون المطبوعات یجب حذفه من جدول الاعمال. و لما واجه اسئلة و اعتراضات عدة من الاصلاحیین قال أنه تلقی »حكماً حكومیاً« (حكم حكومتی بالفارسیة) بهذا الشأن. و جدیر بالذكر أن هذا التعبیر جدید بكل معنی الكلمة و لم یسبق أن استخدم من قبل رسمیاً. ماذا یعني أن یتلقی المجلس النیابي المنتخب من الشعب »حكماً« أي أمراً حكومیاً بأن یفعل كذا و كذا؟ و أخیراً جاء رده لیعلن أن الولي الفقیه قد »أرسل لنا رسالة یطلب منا عدم الدخول في هذا النقاش«  لتغییر قانون المطبوعات و أضاف كروبي أن »هذا هو نظام ولایة الفقیه المطلقة«.

اما من أین أتی تعبیر »حكم حكومتي«؟ جاء من انزعاج المتشددین من وصف النظام بالجمهوري. ذلك أن النظام الجمهوري یتناقض مع ولایة الفقیه. هذه هي نقطة الضعف التي یعاني منها النظام و الذي كانت المعارضة الیساریة و الدیمقراطیة تذكّر بها و تنتقدها منذ الیوم الاول لحكم الخمیني و نالها ما نالها من اضطهاد فظیع بسبب ذلك. سبق لآیة الله مهدوي كني رئیس جمعیة رجال الدین (روحانیت) و هو من أقطاب المتشددین، أن صرح قبل عدة سنوات »أن نظامنا الاسلامي یجب أن یسمی في المستقبل الحكم الاسلامي (حكومت اسلامی) بمعنی أنه یجب التخلص من كلمة الجمهوریة و بدیهي أنه یقصد بذلك أنه بعد اقرار »الحكم الاسلامي« علی غرار الخلافة الاسلامیة لا تبقی حاجة الی الانتخابات و مشاركة الشعب لان الخلیفة لایعزله الا الموت. فالامور تقرر من قِبل الحاكم - الولي الفقیه - و الشعب علیه أن ینفذ حكم الله الذي یأتي من الفقیه ولي الامر. ألیس هذا التعبیر أقرب الی تعبیر الخمیني حین عنونَ كتابه »حكومت اسلامی«؟

لقد كشف رئیس المجلس، مهدي كروبي، منذ الیوم الاول ما فی طبیعة هذا النظام من تناقض مع الجمهوریة و حكم الشعب. لقد قام آیة الله علي خامنه ئي، الولي الفقیه بتوجیه رسالته هذه الی المجلس إثر جلسة حضرها أیضاً رفسنجاني و آیة الله محمود شاهرودي و محمد خاتمي و یبدو أن هذا الاخیر لم یتمكن من التفوه بشیئ. موقف خامنه ئي هو انقلاب علی الاصلاحیین و علی خاتمي بالذات الذي یعرف أن الریاح تجري بما لاتشتهي سفن الاصلاحیین و لذلك ربما سكت للمرة الالف و أغمض عینیه علی العقبات الكأداء التي توضع في طریق تنفیذ ما وعد به حین كان مرشحاً لرئاسة الجمهوریة و یمكن أنه یری أن مصلحته هي في مجاراة المحافظین الذین مازالت لهم الید الطولی، لكن الی متی؟

تمكن خامنه ئي أن یخطو خطوة هامة نحو الحكم الاسلامي التیوقراطي الذي لایحسب أي حساب لرأي الشعب. ألم یؤكد الخمیني أنه »إذا اجتمع الشعب كله علی أمر و كنت أنا ضد موقفه فالحق یبقی معي«؟

یمكننا تشبیه هذا الصراع المحتدم بین الاصلاحیین و المتشددین كصراع بین سفینتین علی بحر متلاطم الامواج. هذا البحر هو الشعب الایراني الذي أتعبته ال 22 عاماً من »حكومت اسلامی« التي غدرت بكل وعودها. هذا الشعب یمكنه أن یفاجئ في أیة لحظة الجمیع في ایران و في العالم.

----------------

كاتب ایراني

[منشور فی الحیاة 20 آب (اغسطس) 2000]

حینما تسلّم آیة الله سید محمود شاهرودي في عام 1999 منصب رئاسة السلطة القضائیة خلفاً لآیة الله محمد یزدي صرّح بالحرف أنه تسلم »خراباً« و وعد باصلاح القضاء الاسلامي في ایران. كانت الملفات المعلقة و المكدسة منذ سنوات التي تنتظر البت فیها تتعلق بالشكاوی ضد الفساد و المحسوبیة و الرشوة و سلسلة الاغتیالات ضد المعارضین و المثقفین في الداخل و الخارج.

و جدیر بالذكر أن التوق الی العدل لدی الایرانیین، كغیرهم من الشعوب المقهورة، تمتد جذوره الی التاریخ القدیم. فما من عمل تعرض للشك و النفور و اللعن عند عامة الناس مثل القضاء او القضاة أنفسهم. یشهد علی ذلك التراث الادبي الفارسي قدیماً و حدیثاً و یكفي أن نشیر الی أن الشعار الشعبي الاساسي للثورة الدستوریة فی العقد الاول من القرن العشرین كان إقامة »عدالتخانه« (بیت العدل) كما أنه لیس من قبیل الصدف أن البنایة الاولی للمجلس النیابي الایراني (مجلس شورای ملی) في ساحة بهارستان بطهران، كانت تتصدر مدخلها الرئیسي عبارة »عدل مظفر« (اي العدل المظفری، نسبة الی مظفر الدین شاه و تدل العبارة حسب الارقام الابجدیة علی عام 1324 الهجري / 1906 المیلادي). الا أن حكم رضا شاه و ابنه محمد رضا الذي  استمر حتی عام 1979، خیب كل آمال الایرانیین في الحصول علی العدل الذي هو في رأیهم و في الواقع، جوهر الدیمقراطیة و النظام البرلماني.

و قبل سقوط الشاه كانت المعارضة تشكو من غیاب العدالة و كانت المحاكم تسمی، طعناً فیها و لعباً بالكلمات، بأنها »بیدادگاه« بدلاً من »دادگاه« (اي موقع الظلم بدلاً من موقع العدل)، كما كانت المعارضة الدینیة بما فیها بعض رجال الدین تعد الناس بإقامة »عدل علي بن ابي طالب« إلا أن النتیجه جاءت عكس التوقعات. و بعد مضي 22 عاماً علی قیام الجمهوریة الاسلامیة و سیطرة الفقهاء وحدهم علی مناصب القضاء و استبدال كل القوانین التي تخص القضایا الفردیة و الجماعیة و التي كانت علمانیة نوعاً ما بقوانین فقهیة، أصبحت الامور أكثر تعقیداً و العدل ظلماً فاحشاً. فطبّقت الجمهوریة الاسلامیة العقوبات البدنیة و سمّت التعذیب في السجون »تعزیراً« و الاعدامات بالجملة »عقاباً الهیاً«. و بعد سنوات من الضغط الشعبي قَبل القضاء بحضور المحامين في المحاكم. و یمكن أن یستغرب القارئ اذا علم أن المدعي العام و القاضي یتمثلان في شخص واحد. كما أن محاكم خاصة مثل محكمة الثورة و محكمة رجال الدین و المحكمة العسكریة و غیرها فتحت الطریق للالتفاف علی القانون، ناهیك عن »الاجتهادات« المتضاربة بین القضاة التي لا تعطي أي انطباع بأن هناك تنفیذاً لقانون معین یجب علی الجمیع اتّباعه، شأن القضاء الحدیث. فقد یعاقب فعل واحد بحكمین متناقضین حسب اجتهاد كل محكمة.

كانت محاكمة المعارضین خاصة في العقد الاول من عمر الجمهوریة الاسلامیة تعقد بسریة تامة و لاتدوم غالباً اكثر من دقائق معدودة ثم یصدر الحكم غالباً بالاعدام و كانت الاسئلة الموجهة الی المتهم قلیلة جداً من نوع: »هل أنت مسلم ام لا؟ هل تصلي أم لا؟ هل أنت شیوعي او منافق (من مجاهدي الشعب) ام لا؟ هل تقبل بسبّ منظمتك و قادتها و بالبراءة من ایدیولوجیتها في التلفزیون ام لا؟« و اذا كان الجواب غیر ما كان القاضي ینتظره كانت تصدر الاشارة بتنفیذ الاعدام فوراً. هكذا كانت الحال بین عامي 1981 و 1988 حیث اعدم الآلاف من المعارضین و جلّهم من الشباب في سجون طهران و المدن الكبری بحیث أدی الامر الی احتجاج آیة الله حسین علی منتظري نائب و ولي عهد الخمیني آنذاك و كان موقفه هذا سبباً لابعاده عن الحكم و حبسه في بیته حتی الآن.

و في عهد خاتمي لم یطرأ أي تغییر في القضاء، قد یكون السبب أن هذه المؤسسة خارجة عن صلاحیاته تماماً. فرئیس السلطة القضائیة یتم تعیینه بأمر من الولي الفقیه و لایمكن أي تغییر في القضاء الا بموافقته هو. و یسیطر المتشددون علی القضاء بشكل كامل و ینظرون و یحكمون في كل الملفات و الشكاوی حسب مصالحهم السیاسیة و الاقتصادیة و أحقادهم الشخصیة. لیس هذا اسلوبهم في التعامل مع سلسلة الاغتیالات التي تمت ضد المعارضین و المثقفین العلمانیین بل حتی في تعاملهم مع القضایا التي تتعلق بالاصلاحیین أیضاً الذین هم من أصحاب النظام.

صرح الرئیس خاتمي یوم 20 من آب الماضي أنه لایعرف شیئاً عن ملف الهجوم المباغت الشرس علی المبیت الجامعي بطهران الذي قتل فیه طالب و جرح و اعتقل المئات. كما لم یسمح لمحامي الدفاع عن الطلاب المضروبین بدراسة ملفات الاتهام و معذلك برّأت المحكمة من هاجموا و سجنت من هوجموا! و تكرر موقف المتشددین هذا حینما نشروا تقریرهم في 14 سبتمبر الجاري عن احداث الشغب التي قام بها »أنصار حزب الله« و الاحتجاج الشعبي ضد تصرفاتهم في مدینة خرم آباد في النصف الاول من سبتمبر. فتقریر »لجنة الرقابة العلیا« أعطی الحق للمتشددین و ندد بالاصلاحیین! ان انتهاك حقوق الدفاع في ایران لا مثیل له الا في الانظمة الفاشیة فقد اعتقل المحامیان شیرین عبادي و حجة الاسلام محسن رهامي لانهما یدافعان عن السیاسیین و المثقفین الذین اغتالهم البولیس السیاسي عام 1988.

ما إن تجرأت صحیفة اصلاحیة بفضح الفساد و الرشوة و الانتهاكات الصارخة للقانون تأمر القضاء باغلاقها فوراً و لكن صحف المتشددین تتهم و تشتم و تحرّض ضد الاصلاحیین بمن فیهم خاتمي نفسه دون عقاب. هذا الكیل بمكیالین الذي یمارسه القضاء أدی الی خیبة أمل الیمة لدی الاصلاحیین ناهیك عن النفور الهائل في الاوساط الشعبیة التي تری أن مَلاك العدل في الجمهوریة الاسلامیة ینظر بعین حولاء. و جدید هذه الاوضاع البائسة التي أصبحت لاتطاق أن رئیس السلطة القضائیة صرح في 10 سبتمبر الجاري أنه بصدد تخفیض عدد الاحكام بالسجن لانه »لایوجد في الاسلام الحكم بالسجن« مما جعل الحقوقیین یتساءلون عما تبطّن تصریحات آیة الله شاهرودي؟ هل ینوي استبدال السجن باحكام الجلد و التعزیر و الاعدام؟ القضاء الاسلامي في ایران سوریالي: جاء في خبر لاذاعة فرنسا الدولي - القسم الفارسي - في بدایة هذا الشهر أنه صدم سائق سیارة أحد المارة فأصاب عینه فأمر قضاء الملالي باقتلاع عینه فوراً!

و هكذا یحق للایرانیین المهددین بسیف هذا القضاء الاسلامي أن یتساءلوا: »هل یحكمنا في فجر القرن الحادي و العشرین الحجاج و زیاد بن ابیه مجتمعین؟«

--------------------

كاتب ایراني

نشر فی الحیاة بتاریخ 3 تشرین الاول ـ اکتوبر 2000 .



 

 .. ولی انقلابهای پرولتری ... مدام از خود انتقاد می کنند، پی در پی حرکت خود را متوقف می سازند و به آنچه که انجام یافته به نظر می رسد باز می گردند تا بار دیگر آن را از سر بگیرند، خصلت نیم بند و جوانب ضعف و فقر تلاشهای اولیه خود را بی رحمانه به باد استهزا می گیرند، دشمن خود را گویی فقط برای آن بر زمین می کوبند که از زمین نیروی تازه بگیرد و بار دیگر غول آسا علیه آنها قد برافرازد... مارکس، هجدهم برومر

Back to Top